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Diapason # 617 (10/2013)
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Carus
CAR83252




Code-barres / Barcode : 4009350832527

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Appréciation d'ensemble:
Analyste:  Sophie Roughol


 

Après les Chants spirituels SWV42O-431 (Volume IV de cette intégrale), place aux Cantiones sacrae publiées en 1625. Pour son quatrième opus, puissamment arc tecturé, Schütz poussait dans ses ultimes retranchements le vénérable motet latin à quatre voix (et continuo ad libitum). Ni instruments obligés, ni passages solistes, mais dans cette « manière ancienne », une approche expressive repensée. En courtes séquences, le Sagitarius expérimente des rapports harmoniques nouveaux, alterne librement archaïsmes et références madrigalesques : chromatismes, oppositions de motifs, départs fugués, cadences suspendues, symbolismes ou concentrés inattendus de possibles fresques contrapuntiques. Le style osservato, auquel se conforme totalement le Dresdner Kammerchor tempère ces insolences relatives. Currende, dans l’intégrale qui fait référence depuis vingt ans, n’était pas beaucoup plus imaginatif, mais plus séduisant (Accent).

Le Volume VI nous emmène sur un tout autre terrain. Les Sept Paroles du Christ en croix SWV478 sont un chef-d’oeuvre de la maturité, une brève Passion-oratorio pour solistes, cinq instruments à archet, plus un choeur si on le souhaite. Ramassé en quinze minutes, le propos est d’une intériorité bouleversante. Schütz affirme un majestueux détachement à travers ce dialogue dépouillé entre les deux larrons ( alto et basse) et Jésus (l’excellent ténor Jan Kobow), auréolé par un accompagnement de cordes. L’Evangéliste se fait caméléon : alto (très modeste ici), ténor, soprano et quatuor. Deux motets et de deux sinfonias encadrent le tout. Rademann et ses interprètes avancent d’un bon pas, avec noblesse, portés par la prosodie, mais ils esquivent la douleur profonde que la version d’Akademia, dirigée par Françoise Lasserre, avait si bien saisie (Arion, Diapason d’or).

La Passion selon saint Luc SWV 480 est l’une des trois Passions écrites par Schütz à la fin de sa vie. A cappella, elle adopte une modalité antique de fa hésitant à franchir le pas de la tonalité. Les griffures polyphoniques de la turba - disciples ou foule des Juifs - troublent par instants le récit recto tono de l’Evangéliste (à nouveau Jan Kobow) et les paroles du Christ (Felix Rumpf). Deux motets l’encadrent, qui annoncent solennellement le récit, puis invitent à la méditation finale. La beauté des timbres, l’intention, le souci du récit, devraient contenter nos attentes. Mais non, il manque à cette perfection l’essentiel, qui fait de Mauersberger avec le Kreuzchor de Dresde une version indétrônée : l’abandon de l’esthétique pour une rhétorique percutante et pénétrante. On garde également en mémoire l’excellent Gerd Türk, dans la série Schütz de Messori (Brilliant Classics).

Une question enfin : comment le sérieux label Carus peut-il annoncer pour le court motet Erbarm dich mein, o Herre Cotte SWV447 un « premier enregistrement mondial » ? On ne compte plus les gravures de ce chef-d’oeuvre, où l’imploration du chant fraie son chemin à travers une sombre polyphonie instrumentale (confiée tantôt aux violes, tantôt aux vents). Lasserre (avec soprano comme ici), Goebel ( version basse, avec Schopper), Max Van Egmond avec le Leonhardt Consort nous ont tiré des larmes que nous épargne la soprano de Rademann. Les ornements nombreux qu’elle glisse (pour remplir les tierces, par exemple) témoigneraient-ils d’une autre source dont ce serait, en effet, le « world premiere recording » ? La notice n’en dit rien.    

 

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