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Classica # 133 (06/2011)
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Alpha 180



Code-barres / Barcode: 3760014191800 (ID150)

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Appréciation d'ensemble / Overall evaluation :
Analyste: 

Philippe Venturini

Benjamin Alard trouve l’équilibre idéal entre la souplesse des phrasés et la clarté polyphonique.


Avant l’invention de l’enregistrement, il fallait faire preuve d’imagination. Aussi pour permettre à l’« amateur» de recevoir un orchestre à domicile sans en avoir la place ou les moyens, Johann Sebastian Bach a-t-il décidé de l’installer dans la boîte de son clavecin. «Clavecin à deux claviers» précise cependant la partition ce qui limite les capacités d’accueil et réserve l’opération aux amateurs les moins… amateurs. L’instrument domestique se satisfait en effet d’un clavier unique. Mais pour s’assurer de la réussite de son entreprise au près desdits amateurs, le compositeur, qui s’attache à « la récréation de leur esprit », a pris le soin de différencier les passages solistes des interventions collectives par des indications « piano » et « forte », justifiant le recours aux deux claviers. Et comme le compositeur fait confiance à son destinataire, il lui demande de faire preuve de hauteur de vue et de pouvoir porter son regard de part et d’autre des Alpes. D’un côté l’Italie et son concerto marqué d’oppositions entre ritournelles orchestrales et interventions solistes apprises chez Vivaldi, de l’autre la France et sa suite de danses stylisées. Rude programme. Mais Benjamin Alard n’a rien d’un débutant et il poursuit sereinement son exploration des quatre volumes de la Clavier-Űbung après un premier volet (Alpha 157, Classica n° 122, ****) déjà confié à ce même instrument allemand d’Anthony Sidey. C’est en effet sereinement, sans précipitation, qu’il aborde ce programme et, en particulier, le Concerto italien. Est-ce pour accorder la musique à la vue du Campo du Rialto peint par Canaletto choisie comme illustration? Peut-être pour suggérer que le tempo de Venise, berceau de Vivaldi, reste préservé des trépidations urbaines. Il permet alors de soigner la conduite des lignes, de ne pas abandonner les fins de phrases, de faire entendre les oppositions entre solo et tutti par le jeu des registres dans les mouvements extrêmes. L’énergie n’est pourtant pas absente puisque tout le finale semble propulsé par la syncope de la première mesure.

Mais Benjamin Alard ne recherche pas, une fois de plus, la démonstration virtuose ni la compétition digitale. L’Andante devient alors un parcours de funambule sous une lumière de lune la ligne continue, le chant éperdu, comme sans cesse improvisé, de la main droite en notes jointes et arpèges au-dessus de la mécanique imperturbable des croches de la main gauche. Dans l’Ouverture à la manière française, l’artiste conserve à juste titre son port aristocratique et parvient à ordonner dans un même geste un premier mouvement cahoteux, parsemé d’accidents chromatiques et d’inégalités rythmiques avant le vertige fugué central à 6/8 dans lequel les deux mains se poursuivent. Ici comme ailleurs, l’équilibre entre la souplesse des phrasés et la clarté polyphonique se montre idéal. Toujours fier, un peu sur la réserve, Benjamin Alard semble se méfier des dialogues trop facilement noués avec l’auditeur même s’il consent à lui dévoiler quelques confidences tourmentées (Sarabande). Après une gigue aérienne, 1’Écho réussit de beaux effets de spatialisation et rappelle le projet orchestral initial. La complicité d’Hugues Deschaux, directeur artistique et preneur de son talentueux, permet de prendre toute la mesure de cette réalisation exigeante mais prodigue de plaisirs raffinés à qui sait abandonner son esprit à une « récréation » de haut vol. 

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