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Diapason # 620 (01/2014)
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CCSSA35513




Code-barres / Barcode:
0723385355137 (ID350)

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Appréciation d'ensemble:


Analyste: 
Gaëtan Naulleau
 

S’écouter jouer. Vanité de l’artiste, langueur devant le beau miroir ? S’écouter jouer comme on s’écoute parler? Ou comble de l’art, quand chaque note est intimement chaînée à celle qui la précède par la concentration sensible du musicien, prêt à réagir à la résonance, au déclin inégal du son, et à sa propre fantaisie, qui n’a pour loi que celle de l’instant. S’écouter jouer comme on improvise, seul, l’oreille à l’affût du moment précis où un nouveau motif jaillira le plus simplement du monde. On sait Rachel Podger d’un naturel perfectionniste, et pourtant c’est bien cette disponibilité de l’écoute musicienne qui nous tient en haleine tout au long du généreux programme en solo.

Tout au long ? Pas exactement, car la Partita pour flûte de Bach, qui ouvre l’album dans une transcription de la violoniste, nous laisse assez froid. Serions-nous trop habitués aux souffleurs, et désarçonnés par la gravité que prend l’oeuvre un ton plus bas, en sol mineur ? Après quoi trois pièces de Matteis nous mettent le sourire aux lèvres — et pas seulement par la référence aux premières apparitions de Miss Podger au disque, voici vingt ans, avec ses amis du Palladian Ensemble. Tout ce qui nous fait aimer le violon baroque s’expose à découvert : le rebond de l’archet (Fantasia), le timbre non lissé, subtilement rugueux, le goût du détail, les camaïeux des bariolages et des coloratures (arc-en-ciel, ce Passagio Rotto).

Tartini jetait sur le papier ses dizaines de sonates pour violon seul comme on griffonne des carnets intimes : Podger sait lire sous trois notes a priori anodines des amertumes, des abandons et des caprices, des ellipses où tout se joue. La sonate nettement plus ouvragée de Pisendel lui inspire un discours à la fois épuré et tourmenté. La longue Passacaille que Biber place sous la protection de l’« Ange gardien », au terme des quinze Sonates du rosaire, se déploie lentement, comme dépourvue d’élan, à l’opposé de la tension expressionniste et des griffures osées par Goebel (inouï et atypique, DG). Podger se laisse porter par l’ostinato grave, qui semble monter de la nuit des temps et donne des ailes à la prière.      

 

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