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Diapason # 632 (02/2015)
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Bayard Musique

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Océane Boudeau

Diabolus in Musica a imposé sa griffe et son métier dans le monde des musiques médiévales. On reconnaît vite ce mélange de chaleur et de gravité dans son premier album pour Bayard, après quelques années passées sous l'étendard d'Alpha et jalonnées de réussites. Antoine Guerber remonte une fois de plus aux sources de la polyphonie, dans ce XIIIe siècle parisien qu'il explorait déjà dans « Vox sonora » (1998) et « Paris expers Paris » (2006). Cette fois, il met l'accent sur le lien entre le répertoire qui nous est parvenu et les saints qu'il honorait. L’organum monumental à quatre voix Sederunt principes rehaussait l'office de la Saint‑Etienne, le Regi regum glorifiait l'archevêque de Bourges, saint Guillaume, et Pater sancte rendait hommage au pape Innocent III. L’auditeur est ainsi plongé dans l'univers parisien, ville en effervescence qui se construit autour de ses toutes puissantes institutions religieuses, en premier lieu la cathédrale en chantier et l'abbaye Saint‑Victor, mais aussi la jeune université. Diabolus in Musica nous propulse dans un univers à la fois intellectuel et sensuel. Les organa, longues polyphonies bâties sur la mélodie du plain‑chant, côtoient les, conduits d'inspiration et de facture nouvelles, où la poésie rythmée et rimée occupe la première place. De rares instruments se mêlent aux voix : la percussion pour Gaudens in Domino et la harpe pour Pater sancte, qui reprend une mélodie du trouvère Gace Brulé (Douce dame). Les organa à trois ou quatre voix, véritables architectures sonores, témoignent à la fois d’une époque d'expérimentation et d'un fabuleux accomplissement. Les hommes de Diabolus in Musica ne cherchent pas à gommer les aspérités d’une polyphonie aux dissonances très déconcertantes pour nos oreilles modernes : en les inscrivant dans un timbre dense et granitique, en trouvant leur juste « timing » dans le déploiement large du son, ils creusent leur relief sans nous heurter. On ressent à leur écoute toute la rugosité de la pierre des édifices où ces monuments sonores résonnaient il y a sept siècles. Une splendeur, à placer à côté des disques indispensables de l'Ensemble Gilles Binchois sur le même répertoire.

 

 

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