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Opéra Magazine # 102
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Erato 2564634354  




Code-barres / Barcode : 0825646343546 (ID493)

Appréciation d'ensemble:
Analyste: Thierry Guyenne
 

Contrairement à ce que laissait croire une vaste campagne de presse, Agostino Steffani ( 1654‑1728) n'a pas attendu Cecilia Bartoli et son CD Mission, sorti en 2012, pour intéresser le monde musical. Niobe, regina di Tebe, par exemple, créée à Munich, en 1688, a été tirée de l'oubli dès 2008, au Festival de Schwetzingen, avant deux autres productions: Covent Garden de Londres, en 2010 et Boston Early Music Festival, en 2011. Reprise en 2013, en version de concert et avec des modifications dans la distribution, celle‑ci a été enregistrée dans la foulée, en studio, par Erato. Ce coffret, publié en première mondiale, confirme d'emblée la valeur de Steffani, « compositeur charnière » d'un indéniable génie mélodique et théâtral, plus proche de Cavalli (pour la brièveté des ariosi et duetti, la liberté des formes, les contrastes de ton et la fluidité des enchaînements) que de Haendel, avec un je‑ne‑sais‑quoi de Lully dans les mouvements de danse. Karina Gauvin fait merveille en Niobe, avec la voix charnue et sensuelle qu'on lui connaît, capable d'éclats virtuoses comme d'accents d'une douceur ineffable. En somme, une sorte de Renée Fleming du baroque, pour la somptuosité du timbre et la solidité technique, le mauvais goût et la nonchalance stylistique en moins! L’autre soprano, Amanda Forsythe, parvient à ne pas faire pâle figure dans la douce Manto, rôle qu'elle sert excellemment de sa voix fruitée, longue et homogène.

 

Mais c'est à Anfione, époux de Niobe et figure orphique de souverain éclairé,  abdiquant son pouvoir pour se consacrer au chant, que la partition réserve ses moments les plus étonnants. Ainsi du planant air « des sphères », de l'aria faisant surgir de terre les   murailles de Thèbes, ou du lamento final. Comme à son habitude, Philippe Jaroussky tire avec efficacité le personnage vers le registre qui lui convient le mieux: l'angélisme, Les passages les plus dramatiques, en revanche, l'éprouvent un peu, avec un grave faible et quelques aigus pointus. Dommage, aussi, que l’italien (couleur des voyelles, doubles consonnes) soit souvent approximatif. Au bilan, on ne peut s'empêcher de penser que l'opulence d'un Franco Fagioli aurait fait davantage le poids face à Karina Gauvin. Les deux autres contre‑ténors sont honnêtes:Terry Wey, Creonte un peu pâle, et ]osé Lemos, amusante Nerea ‑ même si un tenore contraltiggionte, voire une contralto, auraient sans doute mieux caractérisé cet emploi bouffe. Les deux ténors, Aaron Sheehan et Colin Balzer, sont corrects mais fragiles. Côté voix graves, Christian lmmler convainc en Tiresia, tandis que Jesse Blumberg confond      brutalité et autorité, avec un instrument manquant de noirceur et de profondeur pour le rôle infernal de Poliferno. L’élégance du Boston Early Music Festival  Orchestra, dirigé par Paul O'Dette et Stephen Stubbs, parachève la réussite d'ensemble, par‑delà les réserves (réelles) qu'appellent certains chanteurs.

 

 

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