LE BEAU RAMAGE D’ENRICO GATTI

Enrico Gatti nous régale avec son violon poétique et virtuose dans ce récital regroupant des oeuvres baroques italiennes du XVIIe siècle.

Ces mille consigli (mille décisions), « variées en un moment », sont celles d’un rossignol
dispensant son ramage tel que le décrit Anton Giulio Brignole Sale dans son ouvrage Le instabilita dell’ingegno : en filant la métaphore avec la même habilité que le volatile filant les sons, le patricien génois soulignait l’extrême fragilité de celui qui obtenait, en improvisant, tant d’intonations différentes. C’est précisément le défi que se lancent Enrico Gatti et son ensemble Aurora dans ces oeuvres italiennes du XVIIe siècle, c’est-à-dire au moment où la musique instrumentale acquiert ses lettres de noblesse.

Le violon, avec les pièces de Fontana et Uccelini (sollicitant jusqu’à la sixième position), l’orgue (Toccata de Rossi), ou le dulcian (ancêtre du basson) avec cette délirante Sonate de Bertoli, s’attachent à faire fructifier l’héritage du Recitar cantando par le biais de la partie de dessus accompagnée par la basse. Dès la première plage du disque, la Sonata seconda de Fontana, l’archet d’Enrico Gatti témoigne — avec une éloquence rappelant le célèbre « Possente spirto» d’ Orfeo — d’une virtuosité imitant la Voix plutôt qu’instaurant une nouvelle technique, comme le feront ultérieurement Tartini, Corelli et Locatelli. Ailleurs, ce sont d’improbables scènes d’opéras bouffes napolitains (Sonata duodecima de Fontana), ou de phénomènes d’échos qui donnent 1’illusion d’un deuxième violon (d’Uccelini) . Enrico Gatti y montre toute la mesure de son art en simulant l’improvisation sans jamais se montrer décoratif dans les diminutions proliférantes. Libre comme l’oiseau, en somme.

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