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Diapason # 655 (03/2017)
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Analyste: Gaëtan Naulleau

Aurions‑nous, à l'aveugle, reconnu le jeune homme dont la force de caractère et de séduction valait à son disque précédent, mi‑Rameau, mi­Royer, un Diapason d'or (cf. no 644) ? C'est peu probable. Nous n'aurions jamais, en tout cas, pensé nous ennuyer dans deux chefs-d'oeuvre aussi spectaculaires, et gratifiants pour le soliste, que le Concerto en ré mineur BVW 1052 de Johann Sebastian Bach (ca. 1735) et le pendant chez son fils Carl Philipp Emanuel (1748).

Comme nous savions qui joue, et comme les natures musicales aussi fortes ne sont pas légion dans la jeune garde de la musique ancienne, nous avons ressorti le disque régulièrement et dans différents lieux pour l'écouter sans être tributaire de l'humeur du jour ou d'un système hi‑hi.

Sans parvenir à l'aimer, sans comprendre précisément ce qui cloche alors que toutes les conditions semblaient favorables (un clavecin très recherché de Jonte Knif, Aline Blondiau derrières les micros, Sophie Gent au premier violon). Et sans jamais être saisi par l'énergie qui, de Fischer à Gould (live avec Mitropoulos), de Leonhardt (Seon) à Céline Frisch (Alpha), de Pierre Hantaï (live avec Savall) à Olivier Fortin (Analekta, avec déjà Sophie Gent), nous électrise dans le premier mouvement du BVVV 1052. Pourtant Rondeau les double tous sur la ligne d'arrivée (7'09", contre 7'30"en moyenne). La vitesse ne fait jamais surchauffer ses doigts, mais tend à lisser le parcours génialement accidenté. Les charnières de ce théâtre instrumental ‑ changements de cap, suspens, juxtaposition d'idées très ramassées et de progressions étirées, relances impatientes du soliste, assauts ou replis de l'orchestre ‑se relâchent. Un clavecin au tutti aussi large et aux basses longues n'allait pas de soi dans une écriture aussi athlétique. Mais Fortin jouait le même.

À une échelle plus resserrée, et dans un dialogue nettement plus simple avec l'orchestre, le premier allegro du Concerto en fa mineur est curieusement pauvre de caractère et d'idées. Rondeau mise-t-il sur une élégance nonchalante ‑ là où Staier, par exemple, joue la carte de la noirceur ? Ce n'est pas clair. Et son Largo ne décolle pas d'un débit appliqué.

Le portrait de famille met en regard de ce concerto en fa mineur celui parfois attribué à Johann Christian (mais aux antipodes du style galant qu'il cultivait à Londres), parfois à Wilhelm Friedmann. Un autre problème se présente ici : cinq archets en guise d'orchestre n'auront jamais la chair et le souffle attendus dans cet emblème du Sturm und Drang, friand d'envolées anxieuses sur lit d'accords répétés. Un basson s'invite pour donner plus de contour et de rythme aux basses, mais au prix d'un déséquilibre avec les deux violons. Et le thème du finale, en contretemps insistants, suggère des choix interprétatifs plus marqués qu'un entre-soi décoratif.

On peut être surpris en comparant le Wq 42 de Carl Philipp sous les mains de Rondeau et de Leonhardt, en 1982 (Seon). Minutages identiques dans les deux allegros... où le second se révèle à la fois plus sanguin et plus fantasque. Leonhardt nous tient par le collet jusqu'aux dernières mesures (et comme son orchestre nous glace dans le finale, scène infernale !) quand Rondeau et les siens peinent à soutenir la tension malgré quelques gestes flamboyants.

Mais n'allez pas croire ceux qui voient notre hipster du clavecin (dont le volume de la barbe à désormais dépassé celui des cheveux en pétard) comme un phénomène de mode. C'est un grand artiste, encore jeune, pressé, dont les qualités culminaient dans le précédent disque, et dont le miroir concertant de l'orchestre grossit les limites actuelles.


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