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Diapason # 623 (04/2014)
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Appréciation d'ensemble:

Analyste: Gaëtan Naulleau

Nous déboucherons le champagne quand un pianiste ou un claveciniste prendra le risque d'enregistrer les Inventions en oubliant le classement par tonalités du manuscrit afin d'organiser un ordre musical: l'apparition inédite d'une pièce après l'autre fera partie intégrante du projet expressif, par une intervention absolument naturelle au temps de Bach. Personne, alors, n'aurait eu l'idée d'aligner quinze inventions à deux voix puis quinze sinfonias à trois.

Simone Dinnerstein s'en tient donc à l'ordre habituel, et suit à la lettre la note où Bach invite l'interprète de ces concentrés polyphoniques à « par­dessus tout développer un jeu cantabile ». Jeu certes plus délicat au clavecin qu'au piano, où le virtuose prend en revanche le risque de détendre les ressorts rythmiques. Rien de tel chez Dinnerstein, qui unit le rebond léger de la danse et le toucher profond du piano ‑ timbre moelleux, et si bien capté par les micros qu'on ne se doute pas un instant que les inventions et les sinfonias résonnaient dans deux salles différentes. L’intelligence polyphonique qui nous valait il y a quelques années d'exceptionnelles Variations Goldberg (Diapason d'or, cf. no 561) est toujours au pouvoir. La respiration large qui porte les quinze Inventions, et unit leurs inflexions très soignées, s'accorde à la vocalité polyphonique attendue. Dans les sinfonias, la variété des caractères peine davantage à se renouveler. Celle en sol mineur donne la mesure d'un toucher splen­dide, celle en mi bémol avance (ex­cellente idée) à tâtons, mais le jeu harmonieux de Dinnerstein passe à côté de la douleur entêtante de la longue Fa mineur (Koroliov ici est inoubliable) et s'en tient à une mélancolie décorative dans la mineur ‑ certes, la pièce la plus faible du cahier à trois voix. On s'étonne davantage que la pianiste américaine baigne dans la même lumière douce et pudique la sinfonia en mi mineur, dont l'écriture invite à une projection nettement plus lyrique et diversifiée d'une section à l'autre. Celle en do mineur s'installe dans un caractère assez proche, mais s'y épanouit. L’éclat de la dernière (franchement difficile, et magistralement galbée) vient, comme à un cheveu sur la soupe après ce cheminement trop homogène.

Partout on admire la souplesse et la plasticité du jeu, mais d'un interprète alignant les trente pièces, on attend un plan de route plus franchement diversifié. A cet égard, Evgueni Koroliov a peu de rivaux (Diapason d'or, Hänssler).

 

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