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Diapason # 634 (04/2015)
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Mirare
MIR266




Code-barres / Barcode : 3760127222668 (ID503)

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Ivan A. Alexandre

L’entretien des muses

Mille détails glissent dans un seul souffle.

Du chant, partout, intarissable. Mais aussi une imagination, un art du tableau expressif qui nous valent, sous les doigts de Bertrand Cuiller, l'intégrale la plus diverse et colorée des quatre Livres de Rameau.

 

Aux incrédules qui supposent Rameau, l'harmoniste, le savant, rétif à la mélodie, voici la réponse de Bertrand Cuiller : trente‑sept pièces, trente‑sept mélodies!

 

D'abord l'instrument, cet anonyme français copié en 1977 par Philippe Humeau, élargi trente ans plus tard, peu connu du discophile malgré de splendides Variations Goldberg sous‑les doigts de Kenny Weiss et apparemment sollicité pour la première fois dans une intégrale Rameau. Un festival de lumière, de legato et de cantabile dans tous les registres. Registres d'ailleurs très caractérisés, ce qui n'échappera à personne dans une pièce nomade comme ‘LEntretien des muses. Mais il n'y a pas que le clavecin, aussi majestueux soit‑il. Il y a le claveciniste qui articule, respire, soutient, déclame ‑ et s'admire ‑ comme s'il chantait Castor ou Les Fêtes d’Hébé.

 

Même ses Cyclopes musclés, ses Niais de Sologne virtuoses, son fier Tambourin ou La Vénitienne si souvent mécanique phrasent généreusement ‑ pour ne rien dire d'une Dauphine rhapsodique, d'une Fanfarinette initiée au bel canto, des Trois mains détournées de Scarlatti vers Couperin, des quatre Pièces en concerts dont mille détails glissent dans un seul souffle.

 

Tout pour le chant ? N'ayez crainte: cette Poule caquette sans vergogne, ce Rappel des oiseaux pépie comme un jardin de Messiaen, cette Gavotte s'enflamme variation après variation. Architecte serein, assez distant pour ne perdre le contrôle ni de la forme ni du doigt, Bertrand Cuiller sait quel homme de théâtre était Rameau ‑ il ne tourne pas les pages, il enchaîne, quitte à laisser une corde tinter par accident quand la « tirette » change de registre, exquise scorie sans conséquence.

 

Un nuage traverse‑t‑il cet azur ? Ergotons. Oui : les nottes inégales, systématiques et ostentatoires. Si Rameau dessine deux croches dans telle Allemande et croche pointée / double dans La Dauphine, l'interprète doit‑il les faire sonner de la même manière ? C'est préférer la loi des traités à l'énigme du texte, le général au Particulier, choix périlleux en matière d'art. Avouons toutefois que ces inégalités doctorales n'altèrent le discours qu'en de rares occasions (seconde Allemande de 1706, Courante des Nouvelles Suites, L’Enharmonique) et peuvent même le magnifier (La Livri). Rien en tout cas qui ternisse l'éclat de cette contribution majeure à l'année Rameau durant laquelle l'album a été enregistré ‑ dans le grand salon‑bibliothèque de l'abbaye de Royaumont, lieu favorable à l'entretien des muses, en voici une nouvelle preuve.


 

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