Texte paru dans: / Appeared in:
*


Diapason # 636 (06/2015)
Pour s'abonner / Subscription information


Harmonia Mundi
HMC902212/13




Code-barres / Barcode : 3149020221228

Appréciation d'ensemble:

Outil de traduction ~ (Très approximatif)
Translator tool (Very approximate)
 

Analyste: Jean‑Philippe Grosperrin

De la mythologie bien sûr (voluptueuse, astrale), mais d'abord le triomphe d'une amitié sublime. Pollux renonce à Télaïre, qui aime Castor, puis ramène celui‑ci à la vie en prenant sa place chez les morts: Jupiter élèvera les deux frères à l'immortalité. Le Castor et Pollux de 1754 condense ainsi la version originale de 1737. Pour diverses raisons, ce remaniement règne aujourd'hui au théâtre (trois

productions en France en quelques mois) mais les modifications opérées à l'époque au fil des représentations rendent labile une « seconde version » supposée. Sans que la notice soit bien claire à ce sujet, le nouvel enregis­trement (sur le vif, semble‑t‑il) mêle à la partition connue par l'intégrale de Charles Farncombe des nouveau­tés intervenues jusqu'en 1764: abrè­gements aux Champs Elysées, ad­jonction de danses présentes d'ailleurs dans la Suite d'orchestre, redisposi­tion de toute la séquence finale. Mais fallait‑il abdiquer la loure du IV, l'ariette tardive « Pour toujours ce rivage », ou surtout l'air planant de Castor avec le choeur des dieux ? Et pourquoi incruster avant le prélude tendre du V un monologue de Phébé, vestige de 1737 ?

 

Cadeau empoisonné pour Clémentine Margaine, voix opulente mais embarrassée dans le verbe et dans ce style. Déjà Castor dans l'intégrale de Kevin Mallon (Naxos, 2004), Colin Ainsworth est bien moins scolaire, moins lumineux aussi. Son intelligence du texte, sa justesse de sentiment sont mitigées par un contrôle aléatoire de l'émission. Cas inverse avec Florian Sempey, fier d'un organe vaillant, mais tellement appuyé dans ses phrases, avare de nuances, et qui jusqu'à l'acte IV paraît confondre la dignité méditative de Pollux avec l'emphase un peu brute d’Anténor dans Dardanus.

 

A l'opposé, le geste souverain de Christian Immler et la Télaïre d'Emmanuelle de Negri: l'enregistrement altère peut‑être son timbre mais atteste une science éloquente des données de cette musique. Silhouettes très soignées (« Que nos jeux » par Sabine Devieilhe, parfaitement dosé). L’élégance de l'orchestre, la plasticité d'un choeur inventif ont de quoi séduire, comme le souci de faire entendre un continuo riche en cordes graves, plus fidèle aux usages du temps de Rameau que ce qu'on nous offre ordinairement. Cependant la pulsation manque parfois d'acuité (les Enfers) et les caractères stipulés (« Majestueux», « Fièrement», « Moelleusement ») succombent à un empire constant du léché, ou simplement du joli. La sarabande d'Hébé comme les Ombres vont leur train sans mystère, le choeur funèbre semble abandonner sa grandeur à des timbales indiscrètes. Demeure l'acte V, un régal.

 

Raphaël Pichon a dit son admiration pour Frans Brüggen qui, dans Rameau, atteignait une « suprême élégance sans s'abstenir d'être autant qu'il le fallait rêche, acerbe et fou » (cf. no 628). Espérons alors ‑ d'autant plus que la récente expérience d'un Dardanus en scène a montré le chef et son ensemble sous un meilleur jour…

 

 

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews