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Diapason # 617 (10/2013)
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Decca
4785336




Code-barres / Barcode: 0028947853367 (ID326)

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Appréciation d'ensemble:
Analyste:  Gaëtan Naulleau
 

Le Farnace de Vivaldi voulu par Cencic, l’Artaserse de Vinci avec son épatant défilé de contreténors, des raretés de Galuppi, Soliva, la « Mission » de Bartoli : Diego Fasolis a pris en quelques années une place de choix dans le monde de l’opéra baroque, avec des idées sur le style suffisamment vagues pour satisfaire des chanteurs toujours inquiets qu’on leur serre le collier, mais un instinct du théâtre assez précis pour damer le pion à bon nombre de spécialistes. On avait presque oublié quel chef de choeur il peut être, exceptionnel à nouveau dans le volet sacré de la trilogie Steffani réalisée chez Decca à l’instigation de Cecilia Bartoli.

On sait que l’album ne se serait pas fait sans elle, mais il faut avouer qu’elle n’est pas forcément son meilleur atout. Dans le grand Stabat Mater écrit par Steffani au soir de sa vie (1727), le dolorisme appuyé de ses apparitions menace de déséquilibrer le grand tableau qui unit les six solistes au chœur et aux cordes. Le geste introspectif d’un Leonhardt (1995, DHM) donnait paradoxalement plus de tension à une fresque qui se morcelle ici. Mais elle nous vaut de si beaux moments (l’emphase du choeur Pro peccatis, le Vidit suum de la basse, l’élan sensuel du Fac me vere, le charisme de Daniel Behle, le trio Virgo virginum, la désolation tendre du Quando corpus morietur) que vite, on rend les armes.

Le Diapason d’or s’imposait-il ? La richesse des six compléments règle la question. Six inédits, et quelle musique ! Fasolis fait swinguer le dialogue des deux choeurs dans le Beatus vir, brosse les caractères du Laudate pueri et de l’exubérant Sperate in Deo avec un art impeccable (enchaînements fondus, ou ruptures, duos de sopranos comme tombées du ciel, échos ou bras de fer entre solistes et choeur, trios belliqueux.. .). A ces trois motets des années 1670 répond à la fin de l’album un chef-d’œuvre marial composé la même année que le Stabat Mater. L’intelligence du chef de théâtre se reflète dans la distribution haute en couleur : sopranos nonchalantes (divines Nurial Rial et Yetzabel Arias Fernandez), contre-ténor plastronneur (Fagioli, dont le mimétisme avec Bartoli tourne à la caricature dans leurs duos), paire de ténors classieux (Behle et Julian Prégardien), basse abyssale mais subtile (Vitale). Le choeur de Lugano a de l’étoffe, du brillant, du grain, et assez de rythme pour sortir glorieux des dernières pages du Laudate pueri. Bartoli revient le temps d’un motet pour soprano solo. On n’est pas sûr de comprendre en lisant les paroles imagées (chaînes, cieux, zéphyrs, étoiles, fleurs, perles, gouttes, « ravissante lumière du paradis ») pourquoi notre diva roule ainsi des yeux, mais on lui sera éternellement reconnaissant pour cet album et pour la cause qu’elle défend.

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