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Diapason # 617 (10/2013)
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Harmonia Mundi
HMC 902169




Code-barres / Barcode: 3149020216927 (ID329)

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Appréciation d'ensemble:
Analyste:  Gaëtan Naulleau


Un hôtel particulier du Marais; une douzaine de musiciens, par ailleurs valets ou « fille auprès de son altesse », employés par une princesse en disgrâce depuis que son père a comploté contre Richelieu ; ses tentatives de mariages sans suite — une branche de la maison de Guise risque de s’éteindre ; un compositeur de génie au service de mademoiselle, qui trouve dans sa manière singulière, à mille lieues des modes de la cour, un utile miroir de sa propre indépendance ; enfin les puissants Jésuites, autre contre-pouvoir du grand siècle, qui s’assurent également la collaboration de Marc-Antoine Charpentier : il y aurait là matière à une formidable série télévisée à l’heure où Downton Abbey, fleuron de la BBC, réunit chaque semaine plus de dix millions de spectateurs devant les chassés-croisés de la haute société des années folles et de ses domestiques. Du château de Highclere à l’hôtel de Soubise, le chemin pourrait être simple. Suggérons à la production d’embaucher le jeune collectif de Sébastien Daucé, qui insuffle à la musique de Charpentier autant d’élégance qu’hier la première équipe des Arts Flo. Christie et les siens avaient curieusement laissé de côté le splendide Miserere H 193, qui pourtant tombait exactement dans leurs cordes. Peut-être parce qu’à l’époque, on connaissait surtout la révision étoffée par Charpentier à l’intention des Jésuites, enregistrée par le pionnier Martini (1956 !) puis Corboz (Erato). Daucé nous fait vite comprendre l’intérêt de l’original : le sentiment d’une musique de chambre sacrée à la fois intime et opulente, qui n’est plus un petit motet, pas encore un grand, et dont le contrepoint richement ouvragé pour six chanteurs (sertis par deux flûtes et deux violons) devait sonner avec une profondeur spectaculaire dans la petite chapelle aménagée dans l’hôtel de Soubise. Les voix fraîches de Correspondances savent qu’il serait inutile de forcer le trait. On s’écoute, on s’entend; on peaufine des unissons fusionnels, on rebondit le plus naturellement du monde sur les changements de mesure, on galbe des ornements pudiques mais éloquents. Une excellente prise de son, pas trop réverbérée, prolonge ce privilège d’entendre chaque musicien « à portée de main », comme hier la bienheureuse mademoiselle. Les Litanies H 83 situent assez bien la manière de Daucé: extérieur aux attendrissements de Christie (HM) autant qu’aux pâmoisons sublimes osées par Savall (l’un de nos disques de chevet, Astrée). Le texte si insistant des litanies et son foisonnement d’images merveilleuses à l’honneur de la Vierge Marie ne lui inspirent pas plus de vertiges spirituels que le psaume accablant du Miserere. Il n’imagine pas, mais il scrute la partition avec une telle intelligence du détail et du tout, une telle exigence du travail d’équipe, une telle cohésion des timbres, que nous sommes tenus en haleine. L’Annunciate superi est un délice. On est conquis par ces jeunes gens qui lisent la musique de Charpentier avec pas moins de sérieux, de patience, de confiance, d’envie, que s’il s’agissait d’un chef-d’oeuvre de Bach.

 

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