Texte paru dans: / Appeared in:
*
L'Opéra # 1 (Automne/2014)
Pour s'abonner / Subscription information


Analekta
AN28764




Code-barres / Barcode : 0774204876425

Appréciation d'ensemble:

Analyste: Justin Bernard

Depuis plusieurs années, on assiste à un foisonnement d’enregistrements consacrés aux airs de castrats. L`intérêt, voire la fascination, que suscitent ces chanteurs de l'époque baroque, sacrifiés au nom de la beauté de leur voix, s'était déjà manifesté publiquement avec la sortie de Fatinelli, film de Gérard Corbiau réalisé en 1994. L’album de Cecilia Bartoli intitulé Sacrificium (2009) et la longue tournée internationale qui s’en est suivi ont attiré l'attention du public et de ses pairs sur ce répertoire particulièrement exigeant, destiné à des voix (lui (heureusement) n'existent plus. En 2013, le contre‑ténor français Philippe Jaroussky s’illustrait sur CD dans des airs composés spécialement pour Farinelli par un certain Nicola Porpora. C'est ce même compositeur que l’on retrouve sur le disque de Julie Boulianne présenté ici aux côtés du plus célèbre Haendel.

 

Accompagnée par l’'ensemble Clavecin en concert, dirigé par Luc Beauséjour, la mezzo-soprano québécoise fait de cet album unie réusssite. Elle y interprète des airs de castrats et nous touche d'abord par la rondeur de sa voix, étoffée dans le grave et généreuse dans l'aigu. Les nombreuses coloratures sont bien exécutées. Julie Boulianne fait preuve d'une agilité incontestable pour passer à travers les difficultés. Dans les passages les plus ardus, comme dans 'Stà nel’Ircana pietrosa tana (Alcina), l'articulation de la ligne vocale reste assez bonne.

 

Heureusement, la virtuosité ne se réduit pas à l'exécution rapide et soignée d'arpèges, de gammes ou de sauts d’octaves. Julie Boulianne se distingue en particulier par la maîtrise des couleurs de sa voix, lui permettant d'appliquer de subtiles variations à son vibrato et d'effectuer de beaux pianissimos. Dans Ombrra mai fu (Serse), elle parvient remarquablement à chanter, sans vibrato, d'une voix pure qui exprime la fragilité, le dénuement, et à poursuivre d'une voix plus charnue. Dans l'air d'Ariodante, Scherzo infida, l'un des plus beaux de cet album, Julie Boulianne donne beaucoup d'émotion à son interprétation, notamment grâce à la douceur de ses pianissimos. L’accentuation des dissonances dans l'accompagnement orchestral et la tension renforcée entre le basson solo et les autres instruments de l'orchestre rendent cette pièce encore plus poignante. On retrouve également ces dissonances appuyées entre la voix et l'orchestre dans la deuxième pièce de l'album Se bramatar d'amar, un choix d'interprétation qu'il faut saluer.

 

Malgré là qualité du basson solo dans la sixième pièce et surtout de celle des cors accompagnant la chanteuse dans l'air de Ruggiero extrait d'Alcina, la prestation de l'orchestre est assez mitigée. Nous entendons ça et là quelques voix discordantes chez les violons, des grincements de cordes et, par conséquent, un certain manque de cohésion sonore. Cela arrive notamment lors des ritournelles de l'orchestre dans le deuxième air ainsi que dans les deux dernières pièces de l'album.

 

Soulignons, pour finir, les belles trouvailles d'ornementations que I*on peut apprécier ­dans plusieurs da capos et qui rendent unique l'interprétation de Julie Boulianne. La chanteuse propose des coloratures originales, comme dans Alto Giove de Porpora. Il est bon d'entendre une artiste s'approprier ainsi cette musique des virtuoses du chant.

 

Fermer la fenêtre/Close window

 

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews