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Diapason # 669 (06/2018)
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Hyperion
CDA68181/2
Harmonia Mundi
HAF8905293.94


 
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Analyste: Gaëtan Naulleau

Deux chefs rarement vus dans Bach (premier disque pour l'un, second pour l'autre) mettent le cap sur son oeuvre la plus éprouvante. Ce qui peut se comprendre, car la messe de tous les défis s'avère aussi particulièrement gratifiante pour l'interprète heureux d'embrasser, en moins de deux heures, tous les styles de Bach. De tels défis élèvent.

Autre point commun aux deux albums, leur soprano. Ce qui explique également. Figure habituelle des Arts Florissants, Katherine Watson s'imposait pareillement dans une réalisation à l'honneur de Trinity College, le choeur où elle fit une partie de ses études, tout comme Helen CharIston et Gwilym Bowen (charmant, à suivre). À leurs côtés, deux valeurs sûres, lestyn Davies... formé à St John's, et Neal Davies, à King's. Soit un plateau « pur Cambridge » sous l'oeil confiant de Stephen Layton, Director of Music de Trinity College (par ailleurs fondateur de Polyphony, choeur d'élite dévoué à la musique du XXe siècle). 

La comparaison ne fait pas un pli pour Watson, dont le naturel pudique s'épanouit plus à Londres, en studio, qu'à la Philharmonie de Paris, en concert. William Christie, certes, ne lui facilite pas la tâche avec un Domine Deus pressé et un Laudamus Te fragilisé par la difficulté du clavecin, du violoncelle et du violon à trouver une respiration commune et stable. C'est une merveille, en revanche, chez Layton. Nous n'avons pas toujours été tendre avec le perfectionnisme parfois indifférent de la soprano (cf. l'album Couperin chroniqué dans le no 659), mais ici la qualité de ligne, d'ornement, de souffle, de timbre, de vibrato contrôlé dans le moindre atome de la phrase s'avère proprement extraordinaire ‑ et au diapason de l'archet (faussement) décontracté de Margaret Faultless. Hélas, le Domine Deus, où un oeil brillant fait toujours mouche, n'inspirera aucun trait d'esprit à notre soprano ni à Reinoud Van Mechelen. 

On rêve qu'un chef, un jour, la fasse sortir de ses gonds, tout en admirant la vertu inverse de Layton : « composer avec » les qualités comme les limites de chacun, en toute conscience, diriger son choeur dans le sens du poil. Il ne s'échine pas à élargir l'éventail dynamique assez étroit d'une formation forcément jeune, et affine l'imbrication des voix dans chaque pupitre, l'intonation à toute épreuve, le rythme millimétré. Le propos reste assez convenu (dans les airs aussi), mais se trouve soutenu, sans temps faible, d'un bout à l'autre de chaque mouvement.  

La remarque ne vaut pas pour l'équipe française. On retiendra de son album de beaux moments de ferveur franche, dont un Gratias agimus et un Kyrie Il certes pas trans­endants sur le strict plan choral, mais saisissants. Le deuxième volet du Credo livre un bel exemple de cette lecture brossée à fresque, où Christie accepte de ne pas dominer le détail, pour libérer une grandeur très humaine. Mais, passé l'accord final, le terrain devient vite glissant dans l'orchestre du Et in unum. Fallait‑il publier ce live, qui laisse seulement deviner ce qu'aurait pu être une vision accomplie des Arts Florissants ? La prise de son sans finesse, avec un manque de définition des basses de l'orchestre très gênant dans cette écriture (où sont‑elles passées dans le Kyrie I ?) répond en partie à la question.

L’engagement du choeur cède parfois le pas à une insécurité audible. On s'inquièted dès le premier Kyrie et l'entrée pianissimo sirupeux‑la‑main‑sur‑le‑cœur des ténors (sacré cafouillage rythmique). Et l'effet, qui assure certes une progression spectaculaire jusqu'au climax, est tout de même simplet. Dans le même registre, la transition attendrie du Gloria au Et in terra Pax nous vaut, en revanche, un moment splendide. Hélas, le mouvement se délite à partir de la première section instrumentale, et la géniale progression rythmique tourne à vide, faute d'un cadre métrique ferme. Des quatre solistes, c'est Tim Mead qui tire le mieux son épingle du jeu, avec une autorité à toute épreuve.        

Reste un atout considérable de  l'équipe française: la lumière chaude des trompettes menées par Guy Ferber, infiniment plus colorées que les modèles anachroniques (mais plus faciles à maîtriser) de ses confrères britanniques.


 

   

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