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Classica # 208/ (12 / 2018)
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Alpha  
ALPHA399
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Analyste:  Philippe Venturini

Jean Rondeau et Justin Taylor sont nés tous deux au début des années 1990 et ont remporté le premier prix du très convoité Concours de Bruges, Musica Antiqua, respectivement en 2012 et 2015. Ces deux ambassadeurs de l'excellence de l'école française de clavecin se croisent à l'occasion de leurs récitals Scarlatti qu'ils ont chacun voulu aérer. Si Jean Rondeau recommande de « prendre une légère pause » à mi‑parcours, signalée par une improvisation de quelques secondes, Justin Taylor met en regard trois pièces de Ligeti, composées entre 1968 et 1978. Il partage avec Scarlatti le goût pour la « recherche de nouvelles sonorités » et une « écriture originale et novatrice » affirme le jeune claveciniste. Pour mettre en scène ces sonates, il retourne à la somptueuse copie du Ruckers‑Hemsch d'Anthony Sidey et Frédéric, déjà utilisé dans son récital Forqueray (Alpha, 2016, CHOC, Classica no 187) et retrouve également Ken Yoshida à la prise de son. Dès la première plage, l'impatiente Sonate K. 141 et ses répétitions de doubles croches se déploient généreusement, appuyées sur des basses amples et vrombissantes mais tenues. Si les coups énergiques de talon du danseur ponctuent cette puissante parade amoureuse, ils se gardent de toute brutalité. Le même mineur, mais autrement plus lyrique, de la Sonate K. 32, rappelle avec quel naturel désarmant Justin Taylor sait faire chanter le clavecin ; la célèbre K. 208, joliment ornée dans ses reprises, le confirme et ajoute une impression-nante clarté des lignes qui ne réduit cependant pas la palette de couleurs. Les oeuvres de Ligeti, vertigineuses comme des dessins de Maurits Escher, bénéficient de l'instrument choisi, autrement plus sonore et chatoyant que le gris Neupert d'une Elisabeth Chojnacka (Teldec, 1995).

Jean Rondeau retrouve, lui aussi, un instrument qu'il connaît bien, la copie de modèles allemands réalisée par Jonte Knif et Arno Pelto en 2006 qui magnifiait son récital Bach (Erato, 2014, CHOC, Classica no 169). La fameuse Salle de musique de La Chaux de Fonds, en Suisse, lui prête son acoustique favorable, captée avec art par Aline Blondiau. Alors qu'on aurait imaginé un lever de rideau spectaculaire, accordé à l'allure désormais singulière, catégorie hippie, de l'artiste, Jean Rondeau commence sur un souffle; celui de la K. 208 qu'il semble caresser pour mieux la faire chanter (le toucher aérien de la main gauche dans la progression des accords) et avancer sur la pointe des pieds par des syncopes d'elfes. La fête peut alors commencer, sur les roulements de tambours et les clusters de la Sonate K. 175 qui semble improvisée, ivre de sa propre énergie. Idem dans la K. 141, plus théâtrale que jamais par sa gestion des silences et des fins de phrase. Merveille de tendresse que ces Sonates K. 213 et K 162 dont les jeux d'ombres n'altèrent en rien la clarté polyphonique.

Impossible de choisir entre ces deux récitals aussi complémentaires par leur programme que par la personnalité des artistes.


 

   

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