Texte paru dans: / Appeared in:
*


Classica # 213 (06 / 2019)
Pour s'abonner / Subscription information


Le Palais des Dégustateurs
PDD017




Code-barres / Barcode : 3760011350170

Appréciation d'ensemble:

Outil de traduction (Très approximatif)
Translator tool (Very approximate)
 

Analyste:  Philippe Venturini
 

SCIENCE ET CONSCIENCE FONT LES DÉLICES DE L’ÂME

Le pianiste Robert Levin prouve à nouveau combien sa liberté réinvente l’œuvre de Bach.


« J’ai repris un bon nombre d'ornements contenus dans les sources authentiques, mais presque toute l'ornementation libre a été improvisée lors de chaque séance d'enregistrement »
explique Robert Levin dans le texte de présentation. « Ornementation » et « improvisée » sont assurément les deux mots à retenir et à placer en exergue de cette interprétation des Partitas de Bach. Robert Levin a en effet compulsé les sources disponibles, n'hésitant pas à s'écarter des éditions classiques pour piocher dans des propositions alternatives, de la main du compositeur ou de ses élèves. La Gigue de la Partita no 3 et la Gavotte de la Partita no 6 sont ainsi proposées selon deux façons et, par exemple, la Sinfonia introductive de la Partita no 2 apparaît dans une réécriture passablement élaborée.

On sait par ailleurs quel fructueux commerce Robert Levin entretient avec la musique de Bach, ayant signé des enregistrements remarqués du Clavier bien tempéré et des Suites anglaises dans le cadre de l'édition discographique intégrale Hänssler Bachakademie parue en 2000. Ses compétences musicologiques lui assurent en outre une science infaillible de l'ornementation. Aussi est‑ce une lecture personnelle et originale qu’il propose. L’amateur pourra à l'envi noter telle reprise enguirlandée (celle du Menuet 1 de la Partita no 1, spectaculaire), telle variante. Mais cet enregistrement ne se destine pas aux seules universités et aux conservatoires. Le professeur a même cédé la place à l'artiste pour présenter une version d'une rare spontanéité, qui donne l'illusion de découvrir une musique qui s'écrit sous nos yeux. 

Si la force de conviction intellectuelle ne saurait être discutée, elle ne s'accompagne d'aucune raideur dans le phrasé. Aussi admire‑t‑on la lisibilité polyphonique des allemandes, le chant sans affectation des sarabandes, l'insolence amusée des « galanteries » (rondeaux, scherzo et autres), le panache des courantes (l’opposition doubles croches régulières et croche pointée‑double dans la no 3), l'élan rythmique des gigues à la conduite fuguée. Robert Levin commande son clavier avec la sereine assurance de celui qui sait et peut réagir au moindre accident. La conduite reste souple malgré son énergie sous-jacente et elle s'accompagne d'une sonorité ronde qui veut manifestement convaincre l'auditeur de la pure beauté de cette musique.

La discographie de ces Partitas est pourtant riche et a vu défiler quelques‑uns des plus grands pianistes: Glenn Gould (Sony, 1957‑1963), Murray Perahia (Sony, 2007‑2009) et Igor Levit (Sony, 2014), sans oublier Rosalyn Tureck (EMI, 1956­1958), Zhu Xiao‑Mei (Mirare, 1999), Vladimir Ashkenazy (Decca, 2009), András Schiff (Decca, 1983, puis ECM, 2007), pour ne mentionner que des intégrales. Par ses propositions originales, défendues avec un tel naturel et un jeu si décomplexé, Robert Levin y trouvera à n’en pas douter une place de choix.


   

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews