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Diapason # 683 (10 /2019)
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CPO5552592  



Code-barres / Barcode : 0761203525928

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Analyste: Jean‑Luc Macia

Scandale à Hambourg en 1705! Keiser, qui y fut le grand maître de musique avant Telemann et notamment à l'Opéra avait concocté une Passion-oratorio avec le librettiste Menantes (pseudonynime de Christian Friedrich Hunold) qui choqua une partie des croyants et les autorités ecclésiastiques de la ville. L'oeuvre passa pour un opéra déguisé. Fut-elle présentée avec un semblant de mise en scène ? Elle effraya, quoi qu'il en soit, les luthériens dogmatiques. On y entendait (et peut-être voyait) Judas se pendre après sa trahison et Jésus sur la Croix dialoguer avec Marie. En l'absence d'Évangéliste, en l'absence de choral aussi, Jésus intervient sans cesse. La plupart des airs et choeurs relèvent d'une veine identique au génial Croesus (René Jacobs, Diapason d'or) du même Keiser pour l'Opéra. Il conserva cependant ses fonctions et reprit même plusieurs fois l'ouvrage contesté, y compris à Gotha en 1719 Mais il tint compte des reproches et inséra des chorals jusqu'à la dernière exécution de cette Passion atypique en 1729.  

Le manuscrit de cet état ultime de la partition a été découvert en 2006 par Christine Blanken (qui signe le texte de présentation) et exécuté en 2010 dans la ville natale de Menantes puis enregistrée en 2018 à Weimar. On peut comprendre la surprise des auditeurs de 1705 ‑ sept ans avant le livret comparable de Brockes, également conçu à Hambourg. Comme chez Brockes, un rôle central est d'ailleurs tenu par la Fille de Sion, personnage métaphorique symbolisant Jérusalem et ses habitants. Une grande scène, très visuelle, nous montre en fin de première partie Pierre s'épanchant sur son manque de courage; de même Judas exprime dans une aria l'horreur de son geste avant de se suicider. Les choeurs des prêtres, des soldats ou des juifs ne sont pas des turbae alla Bach mais des mouvements très expressifs, tels qu'on les imagine sur une scène de théâtre. Quand les juifs préfèrent que Barabbas soit libéré plutôt que le Christ, de vigoureux appels des hautbois viennent les soutenir. Les arias de la Fille de Sion (partagées entre une soprano et un alto) et des autres personnages annoncent le style galant avec une écriture très colorée pour les flûtes ou les hautbois, renvoyant là encore à l'opéra. La partie de Jésus est quant à elle admirable par sa variété; il chantera les ultimes paroles que lui attribuent les Évangélistes tout en dialoguant avec sa mère, qui passe de l'horreur à la consolation en le voyant rejoindre le Ciel et son Père. C'est à elle qu'échoit le fameux « Es ist vollbracht », et de spectaculaires mais brèves sinfonias instrumentales dépeignent l'effondrement du Temple et le tremblement de terre qui accompagne la mort du Christ. On s'émerveille sans cesse de la palette expressive et instrumentale de Keiser, des duos alertes, d'arias plus dramatiques ou encore du grand moment de théâtre où Pilate fait face aux Juifs (plage 11 du CD 2). Cette fresque imagée est parfaitement brossée par Bernhard Klapprott, qui soigne le sens dramatique de chaque mouvement avec un orchestre brillant et bariolé et un choeur impeccable d'une vingtaine de membres. Le Jésus de Dominik Wörner sait éviter l'emphase et joue de sa voix bien placée la sobriété au fils de Dieu. Monika Mauch interprète la grande majorité des arias de la Fille de Sion avec une tenue vocale sans faille. On aime aussi la Marie sensible d'Anna Kellnhofer et le Judas ambigu de Hans Jörg Mammel. Une découverte d'importance, où s'entendent de nombreux « pré-échos » du jeune Handel, qui présentait, aussi en 1705, son premier opéra sur la scène de Hambourg (Almira, CPO).


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