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Analyste:
Vincent Genvrin
John Bull et
le facteur d'orgues Robert Dallam (ca. 1602-1665) ont pour point commun
d'avoir fui la Grande Bretagne, quoique pour des raisons assez différentes.
Accusé de divers méfaits sexuels, le compositeur s'installera en 1613 dans les
Pays-Bas méridionaux, entrant au service de l'archiduc Albert d'Autriche à
Bruxelles, avant de devenir organiste de la cathédrale d'Anvers. L'artisan
s'exilera en 1642 tandis que la révolution puritaine de Cromwell vandalise les
orgues à grande échelle ; fixé en Bretagne, il construira de nombreux
instruments, dont ceux de la cathédrale de Quimper et de l'église de
Plestin-les-Grèves, vendu à Lanvellec en 18 57.
Dans l'œuvre apparemment vaste mais en partie apocryphe du composi-teur, Léon
Berben a choisi l'ébouriffant cycle de variations Walsingam (le thème en
est une chanson populaire déjà traitée par Byrd), encadré par de fascinants
contrepoints sur In nomine . L'ensemble s'ouvre sur un bref Pra elu
diu m et se conclut par une Fantasia sur un sujet de Sweelinck.
L'interprète montre une virtuosité impressionnante, doublée d'une réflexion
approfondie sur la question des sources, particulièrement ardue concernant Bull
: modèle du genre, le texte qu'il a rédigé pour la notice mériterait d'être lu
par tous les interprètes versés dans la musique ancienne.
Pourtant, une fois n'est pas coutume, Berben ne convainc pas complètement. Outre
une prise de son en très grande proximité, dont la qualité des timbres ne
souffre pas, mais qui produit à la longue une désagréable sensation
d'étouffement, l'univers de Bull semble approché comme de l'extérieur. Rien
n'affleure du dandysme avant la lettre que manifestent les virginalistes
anglais, mélange subtilement dosé de science et d'humour, de sérieux et
d'élégant laisser-aller. N'en subsistent ici que la science et le sérieux.
