Les routes de Haendel et de Scarlatti se sont croisées à
plusieurs reprises, mais l'histoire a surtout retenu la célèbre joute musicale,
organisée à Rome, qui distingua la science du premier à I'orgue et la virtuosité
du second au clavecin. Alors que Cristiano Gaudio en propose une évocation à la
lisière de l'improvisation (lire p.87), Pierre Hantaï agence un récital plus
traditionnel. Le son luthé du beau clavecin de type allemand convient
parfaitement à son jeu frémissant qui sature d'ornements une transcription de
I'ouverture du Pastor Fido dont le robuste fugato impose un Haendel plutôt grave
et réfléchi. L' Harmonieux Forgeron reste mesuré, loin de l'enthousiasme
juvénile d'un Sebastian Wienand (" Handel's Tea Time ", DHM, 2020) tandis que
les Allemandes et les Courantes sillonnent des routes où traitement rythmique et
phrasé font planer I'ombre de Leonhardt.
À cette
nostalgie distanciée répondent les tourments d'un ltalien singulièrement sombre
et intense, à la dimension volontiers théâtrale. Dans la musicalité tendue de la
K. 16, notamment, Pierre Hantai installe un temps musical nimbé d'un romantisme
sérieux alla Brahms. 0n ne peut rester indifférent à ce discours où la fantaisie
des Essercizi (K.24) lorgne davantage vers le spirituel Haydn que vers les
castagnettes du folklore espagnol.
Hommage
admirable, ce récital illustre à sa manière la joute historique et propose de
passionnants sentiers expressifs.
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