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Classica # 245 (09/2022)
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Analyste: Philippe Ramin

 

SOUVENIR DE SICILE

 Dans le bruit des ruelles de Messine, Storace renaît sur les claviers de Mankar-Bennis.

 On connaît très peu de choses sur la vie de Bernardo Storace hormis qu il fut sous-maître de chapelle à Messine, en Sicile, île dont Marouan Mankar-Bennis a rêvé un univers sonore où les bruits contemporains des ruelles de village font écho aux dialogues de films des années 1960. Le récit d'Arabella Cortese, le bêlement des troupeaux et les bruits du marché préludent aux pièces musicales en jouant finement avec les clichés. Pour ce portrait original le musicien utilise trois instruments d'une beauté singulière, l'orgue espagnol de 1768 récemment affecté à l'église Saint-Éloi de Fresnes, une épinette d'après un anonyme au son délicatement luthé et un clavecin italien d'après Giusti. La captation ne laissant aucune nuance dans l'ombre) on se laisse guider dans cette musique de transition. Toujours ancré dans l'art du ricercare, de la toccata et de la canzone, Pasquini est déjà sensible aux textures orchestrales et aux couleurs des modulations, son contrepoint privilégie la séduction à la complexité, singularités que Mankar-Bennis souligne avec beaucoup d'à-propos dans un jeu où la détente fait admirablement sonner les cordes pincées ; la belle éloquence de l'écriture fuguée, l'assise tranquille des ricercare captivent autant que la rythmique toujours souple mais soutenue. La chaconne, tour à tour prime-sautière et virtuose, séduit par son allure chaloupée, le Capriccio sopra Ruggiero fait pareillement valoir le détail et la courbe de l'ensemble. Partout on admire l'équilibre entre verticalité et tension de la phrase, un mélange de réserve et d'assurance propice au sentiment poétique. Le musicien utilise avec un plaisir manifeste les belles anches en chamade de I'orgue de Fresnes et fait appel aux percussions d'Arnaud Carron de la Carrière dans une Pastorale pleine d'énergie et dans une Follia riche en surprises. Loin de la tendance world music qui fait parfois ressembler le baroque italien au rayon épices d'une grande surface, le percussionniste se fond dans les couleurs de I'orgue et propose un très riche sous-texte rythmique. La Follia fait valoir les beaux jeux de détail dans une progression élaborée où les tierces pures sonnent avec un éclat irrésistible. Projet très abouti, cet enregistrement se place en première ligne pour le mélomane désireux d'approcher l'univers de Storace.

 



   

   

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