Une
lumière de vitrail inonde le Prélude de ce programme : profondes, ancrées, les
basses laissent vite place aux guirlandes de perles mates du registre aigu.
Est-ce dû à la prise de son, au cordage en boyau ou à l’instrument lui-même – un
luth à neuf chœurs construit en 2015 par Lars Jönsson d’après un original de
Magno Tieffenbrucker ? Cette sonorité invite à l’introspection, donne
l’impression d’un moment volé et plonge dans une douce atmosphère ouatée. Loin
de Bor Zuljan, qui timbre son luth près du chevalet pour en extraire toute la
bile noire (Ricercar, CHOC, Classica
no 226), loin de Paul O’Dette, expansif, incisif, articulé avec fermeté
(Harmonia Mundi, Jonas Nordberg souligne la polyphonie par sa façon de tendre
des lignes éthérées : les Fantaisies y trouvent une lisibilité totale (notamment
la Forlorn Hope Fancy, traversée de douloureux chromatismes qui s’écoulent
telles des larmes), les danses s’y meuvent avec finesse (par exemple Frog
Galliard, délicatement fleurie d’ornements, qui joue des talons tout en
légèreté), les chants soupirent et racontent les amours déçues (il faut écouter
les subtils jeux d’éclairage dans Semper Dowland Semper Dolens, ou la souplesse
rythmique de Can she excuse, donnée avec la grâce d’une révérence). Le luthiste
suédois captive de bout en bout et se distingue par son esthétique nette et
précise, d’une élégance totale.
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