Le Schubert de Jordi Savall est de la musique de jeune homme, déconnectée de
tout le grand romantisme futur. Enregistré en Catalogne à la collégiale de
Cardona, Le Concert des Nations convoque une approche historiquement informée.
Savall y fait montre d'une pugnacité rythmique là aussi dans l'héritage de
Beethoven. Voilà un Schubert trépignant, vif, aux attaques franches, plein d'un
élan qui ne contraint jamais la respiration. Le chef catalan ose même certaines
gradations de tradition et quelques instants d'indicible – « Andante de «
La Grande », au pas décidé qui n'en cède pas moins au vague à l'âme, avec
les nuances afférentes. Tout en gardant une poigne dans l'articulation jamais
prise en défaut dans un Scherzo et un Finale en apothéose de la
danse, qui rayonnent de joie. l« Inachevée )) l1'a pas peur du vertige de
l'attente dans les moments d'intériorité. Appuyée sur une pulsation intérieure
très calme qui garde espoir au coeur des ténèbres, la battue ne presse jamais,
pas lus qu'elle n'escamote les longs crescendos. Jusqu'à oser l'ampleur du
climax du premier mouvement, un climat entre résignation et colère assez
saisissant dans la réexposition, et un chant de clarinette lunaire sur les
syncopes de cordes de l'Andante, sans équivalent dans la concurrence sur
instruments anciens.
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