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Analyste:
Philippe Ramin Les Mystères de la vie de la Vierge Marie mis en musique par Biber représentent un défi technique et musical pour l’interprète, un questionnement spirituel pour l’auditeur moderne. Dans un temps où le violon n’est encore qu’un support de la danse au son jugé ingrat, Biber a l’idée audacieuse d’en faire le chantre d’une révélation spirituelle et d’en magnifier le timbre grâce aux résonances de la scordatura, procédé d’accord du violon poussé ici à l’extrême. La signification symbolique des danses, la dimension illustrative de l’œuvre n’ont d’autre part pas livré tous leurs secrets, et la réalisation pratique d’un tel projet pose encore de nombreuses questions. Mereth Lüthi opte pour un continuo riche agrémenté d’instruments rares comme le lirone capable de produire des accords et le psaltérion couramment associé au roi David tandis qu’un claviorganum et plusieurs cordes pincées (théorbe, guitare, archiluth) s’associent à la ligne de basse de la viole et du violone. Là où la plupart des versions multi instrumentales enrichissent la polyphonie, le continuo cultive ici des mélanges de timbres puissamment illustratifs et respecte l’écriture à deux voix : la pédale de la Résurrection évoquant un souffle quasi organique, la matérialisation graduelle de l’Esprit Saint par des échos multiples plongent l’auditeur au cœur d’un tableau. Soutenu par ces éléments d’un décor remarquablement organisé, l’imaginaire poétique de Meret Lüthi semble libéré ; la violoniste convainc totalement dans l’affliction du Lamento du Jardin des Oliviers ou la méditation de la Passacaille et, par-dessus tout, nous émeut. Les sarcasmes grinçants de la sonate consacrée à la couronne d’épines et la gigue moqueuse proposent d’intéressantes pistes expressives. Dans le cadre plus contraignant des danses, la musicienne sait développer une belle matière instrumentale et un caractère neuf. Si les souples allemandes et les courantes chaloupées satisfont pleinement aux exigences musicologiques, c’est dans les préludes que l’on trouvera les éléments d’une chorégraphie ambitieuse dont les élans s’affranchissent de toute pesanteur. Tout en conservant les qualités les plus précieuses des références de ces vingt dernières années, force est de constater que Les Passions de l’Âme signent une réalisation magistrale et éminemment personnelle. |
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