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Analyste: Vincent Borel Christophe Rousset ensoleille Jean-Baptiste Lully La ténacité militante du Festival de Beaune a permis la recréation mondiale, en juillet 2010, du dernier opéra de Lully qui manquait à la discographie. En cette année d’Atys, le Grand Lever de Lully s’achève donc avec l’une de ses partitions les plus éclatantes. Dans la production du Surintendant Bellérophon (1679), sur un livret de Thomas Corneille, assure l’intérim de Philippe Quinault alors en disgrâce pour avoir trop osé jouer la gazette persifleuse dans l’Isis de 1677. Le frère de Corneille, qu’on connaîtra comme le brillant librettiste de la Médée de Charpentier des années plus tard, écrit une oeuvre virtuose, cependant dénuée des didascalies amoureuses du subtil Quinault. L’héroïsme est de mise en cette histoire de prince délivrant le monde d’un horrible monstre : la Chimère. Lully tisse une partition solaire où les grands ballets (passacailles et chaconnes) sont exclus au profit d’un orchestre scintillant de timbales et de trompettes, à la façon de ses grands motets royaux. Opéra des effets spéciaux (convocation des magiciens, Chimère ravageuse) plus que des échanges tendres, il recèle cependant à l’acte IV des pages d’une grande émotion lorsque les nymphes déplorent les désastres causés à la nature. L’opéra met en avant des architectures polyphoniques où le Choeur de Chambre de Namur offre des moments d’une belle souplesse. La théâtralité de Bellérophon trouve en Christophe Rousset un serviteur scrupuleux: peu de coupes et présence du prologue. Néanmoins, comparé à Persée dont Bellérophon possède une palette proche, on lui trouvera une certaine sécheresse, peut-être due à la captation. Défenseur raffiné de la tragédie lyrique (les oeuvres de Desmarets, mais aussi le Roland du même Lully), Christophe Rousset opte pour un orchestre diaphane et dentelé, proche des couleurs souvent choisies par les Arts Florissants. La discographie de Jean-Baptiste Lully aujourd’hui disponible offre d’autres options sonores. On peut ainsi préférer des Lully denses et articulés (la palette de Jordi Savall dans l’orchestre du Roi Soleil) ou puissants car nourris de pupitres de vents bien plus étoffés (Hervé Niquet dans son intense Proserpine) comme l’était l’orchestre originel de l’Académie Royale. La distribution vocale suscite d’autres petites réserves. Sans déroger pour autant, la délicate Céline Sheen ne possède pas encore l’envergure tragique d’un premier rôle. Rien ne vient équilibrer la colère d’Ingrid Perruche qui joue à merveille le dépit amoureux marié à la perversité politique. Evgueny Alexiev reste fâché avec l’élocution française et détonne souvent. Ces défauts sautent d’autant plus aux oreilles lorsque paraît l’étoile Cyril Auvity. La pureté de son discours, la finesse de sa diction, les teintes changeantes d’un timbre merveilleusement affiné, sa compréhension innée du texte font souvent pâlir le talent de ses amis chanteurs, à l’exception du racé Jean Teitgen, une basse superbe déjà engagée pour le rôle titre du Hollandais Volant... Dommage que Cyril Auvity reste sous-employé par les chefs internationaux et les scènes parisiennes. Qui l’a vu et entendu l’an dernier dans Amadis à Avignon ne saurait désormais faire la fine bouche... C’est lui la révélation qu’on espérait pour la renaissance d’Atys. Il est l’incarnation même du haute-contre français. Pour ce timbre si artiste, et malgré nos bémols, Bellérophon inédit, joyeux, à la pompe irrésistiblement versaillaise, mérite le détour et la dépense...
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