Texte paru dans: / Appeared in:
*  

Classica # 121 (05/2010)

Pour s'abonner / Subscription information




Harmonia Mundi
HMC902051

Appréciation d'ensemble / Overall evaluation :
Analyste: Marc Desmet
 

Inattendue, la rencontre d’Andreas Scholl avec l’univers d’Oswald von Wolkenstein réserve de bonnes surprises sans parvenir à convaincre totalement. Que l’art de Scholl se déploie avec intelligence dans ce qui fait la captivante beauté de ces mélodies du xve siècle n’est guère discutable. Pas plus que le raffinement d’un écrin instrumental confié aux meilleurs spécialistes actuels du jeu sur les cordes médiévales (Crawford Young, Marc Lewon). Savoir si la constante délicatesse du tempo, de la dynamique et de l’expression convient à la matière verbale et sonore du génie le plus percutant de la poésie germanique à la fin du Moyen-Âge est une autre question. Oswald von Wolkenstein fait sourdre du choc des syllabes et des vers une ironie mordante sur son temps, sur lui-même, mais aussi sur le large éventail des formes lyriques dont il dis posait, pour faire prédominer la voix d’un individu par-delà toutes les abstraites conventions du chant courtois.

Or l’éventail expressif se maintient ici sur une palette réduite, un nuancier en camaïeu élégant mais monochrome. On finit par ressentir comme un excès de prudence dans cette trop constante mélancolie et ce chant délicat, subtilement filé par Andreas Scholl ou la soprano Kathleen Dineen pour sculpter la ligne mélodique, mais au risque de la priver de son énergie. Par deux fois, Andreas Scholl quitte son registre usuel de contre-ténor pour se faire baryton (notamment dans le pittoresque « Durch Barbarei Arabia »). Subitement, la langue se fait sonnante et trébuchante, réveillant les mots de la torpeur où ils semblent plongés ailleurs.

On mesure alors la distance qui nous sépare, dans le reste du programme, de l’invention, de l’irrévérence et du grain de folie indispensables à cet univers poétique singulier.

  

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews