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Classica # 131 (04/2011)

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Ricercar
RIC310


Appréciation d'ensemble / Overall evaluation :
Analyste: Jérémie Bigorie
 

Dominos gagnants

LES « SONATES POUR VIOLON » D’ELISABETH JACQUET DE LA GUERRE

NE POUVAIENT ESPÉRER TROUVER MUSICIENS PLUS CHANTANTS.

On comprend l’intérêt éprouvé par le Roi Soleil à l’écoute de ces sonates: non seulement elles étaient l’oeuvre d’une compositrice (fait rarissime à l’époque), de plus cette dernière ne se contente pas d’importer la forme telle que Corelli la forgea en Italie, avec ces alternances systématiques de mouvements lents et rapides, sans y apporter des changements de son cru. Il en résulte six sonates de longueurs inégales et de mouvements d’une extrême variété qui frappent par leur théâtralité. D’où le recours peu fréquent aux noms de danses en tête des mouvements (bien que certains en soient), afin d’ouvrir l’écoute sur un imaginaire dramatique qui mêle récits, déplorations, duos d’amour et airs de danses. Pour rendre justice à cette musique, les instrumentistes doivent disposer d’une vaste gamme de couleurs; heureusement pour elle, nos Dominos ne sont pas que de noir et de blanc. Surclassant l’album récemment paru chez Mirare, cette nouvelle parution complétera la référence signée par l’ensemble Variations (Accord), qui proposait certaines de ces pièces dans un arrangement pour deux violons avec viole ou violoncelle obligés.

Le violon de Florence Malgoire, malgré une sonorité parfois trop maigrelette, sait phraser ses lignes et nous restituer sa partie dans toute sa vocalité : on admire cet art de filer le son, telle une soprano chantant sur le souffle; le temps semble suspendu à son archet et au clavecin attentif de Blandine Rannou qui égrène ses arpèges avec souplesse. Les Arias des Sonates nos 1, 4 et 5 s’avèrent de véritables duos pour violon et viole que précède un court récitatif. Guido Balestracci donne la réplique de sa basse de viole et insuffle ce qu’il faut de dépit amoureux à la fin de la Sonate en la mineur où il se retrouve seul en scène. Du registre de la déploration à celui de la danse, les oeuvres d’Elisabeth Jacquet de la Guerre ne pouvaient trouver d’interprétation plus inspirée qui puisse répondre à la fameuse question de Fontenelle placée en exergue de la collection : « Sonate, que me veux-tu? »•

 

  

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