Analyste: Roger Tellart
Premier volet du fameux recueil marial du
Vespro de 1610, la Missa da Ca pella à 6 voix sur le motet in
Illo tempore de Nicolas Gombert (v. 1495-v.1560) n’est que rarement
enregistrée et c’est très dommage pour ce sommet polyphonique où Monteverdi,
sur les pas du musicien flamand, emblématise l’héritage du passé (en
l’occurrence, le stile antico) dans une sorte « d’archaïsme conscient
» poussé, si j’ose dire, au défi. En tout cas, l’Ensemble Odhecaton, dont
les interprétations ont changé sensiblement notre vision du concert
Renaissance, signe là un événement discographique. Le sentiment sacral s’y
libère de tout formalisme, ce que les meilleurs n’évitent pas toujours ici.
La parole et le mot triomphent, mais purs de toute tentation profane ou
maniériste, miroir des options du chef Paolo Da Col et d’une équipe de
chantres à sa dévotion. De ce point de vue, jamais peut-être la spécificité
a cappella n’a été rendue plus perceptible, concrétisant une manière d’idéal
sonore (l’heureuse homogénéité des timbres, la subtilité des accents) que
n’égale aujourd’hui aucune version concurrente. De délectables ajouts
montéverdiens à trois voix sont ici valorisés par un petit concert de
solistes et que l’enregistrement est complété par quatre captivantes
miniatures de Giaches De Wert (1535-1596) qui précéda Claudio comme maître
de chapelle à la cour des Gonzague à Mantoue dont le saisissant lamento
Vox in Rama à 5, attaqué dans le grave de la tessiture à chaque voix :
une image de deuil digne de ce maître de la fracture expressive.
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