Texte paru dans: / Appeared in:
*  


Diapason # 591 (05/2011)
Pour s'abonner / Subscription information

Aparté
AP017




Code-barres / Barcode: 0794881993420

Consultez toutes les évaluations recensées pour ce cd ~~~~ Reach all the evaluations located for this CD

Appréciation d'ensemble:
Analyste: Jean-Luc Macia
 

Revenant aux Suites dix ans après une première version qui nous avait déjà marqués (Diapason d’or pour le Volume II et Cinq Diapason pour le I), Ophélie Gaillard prend pour exemple dans un beau texte d’introduction le travail incessant du jardinier, le talmudiste et Cézanne remettant sans cesse la même vision sur le métier. Au bénéfice évident de maturité s’ajoute aujourd’hui un instrument magnifique, un véritable partenaire, le Goffriller de 1737 que le CIC lui a confié.

La manière qu’a la violoncelliste de faire respirer les phrasés, de laisser résonner certaines notes, montre bien la jouissance qu’elle prend à nous faire entendre les beautés veloutées de ce Goffriller: écoutez seulement les préludes des trois dernières Suites, la sarabande de la cinquième, les gavottes ou la gigue de la sixième et vous savourerez cette option. Elle prend son temps pour mieux flatter les fragrances du vénérable instrument. Le discours — plus direct il y a une décennie — est extrêmement détaillé, mais pas un instant figé sur le détail, sur les subtils décalages, les imperceptibles silences, les discrets legatos qui prêtent aux oeuvres une coupe plus dansante qu’hier (bourrées de la Suite n°5). Tout cela est intégré dans un geste à la fois serein et formidablement divers.


La prise de son de Nicolas Bartholomée (à l’oeuvre déjà il y a dix ans) accompagne l’évolution de l’artiste. L’espace a changé, hier une église (et un violoncelle plus modeste), aujourd’hui une salle de l’Ircam: le somptueux Goffriller a sa propre résonance, dont l’interprète joue à merveille. Elle est là, assise à côté de nous, sans le voile pudique de la réverbération. Magnifique. Mais, comparer Ophélie Gaillard à elle-même n’est pas suffisant. Encore faut-il apprécier à l’aune d’autres lectures son interprétation fluide, souple, jamais envahie par les effets d’une technique pourtant sans faille. Pour cela nous avons mesuré, choix subjectif mais assez signifiant, sa Suite n°3 à celles de Byslma (Sony, 1992 ; sur le superbe Stradivarius « Servais ») et de Queyras (Harmonia Mundi, 2007 ; sur un Goffredo Cappa de 1696), deux Diapasons d’or incontestables. Le résultat est troublant: Bylsma reste le plus inventif, ravageur même (les bourrées !!), nous découvrant des chocs rythmiques insoupçonnés mais desservi par une prise de son acide (sa Sarabande sonne presque étriquée); Queyras est le plus consensuel, avec une franchise expressive, une intelligence des enjeux de ces partitions qui en exalte toutes les merveilles.

Face à eux, Ophélie Gaillard tient bien le coup et au-delà : l’absolue clarté du geste nous transporte dans un paysage harmonieux et pourtant escarpé, souvent ténébreux. Des tempos plutôt lents n’effacent pas la sève de ses triples-croches ou de ses traits brisés : la troisième Sarabande semble une mise en abyme des élans tragiques d’un morceau encore plus prenant ici que chez ses rivaux.

 

 


 

 

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews