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Analyste: David Fiala
Avec ce troisième volume, la nouvelle série de messes de
Josquin entamée par les Tallis Scholars en 2008 maintient son très haut
niveau d’excellence et livre son lot de moments magiques, malgré un premier
abord un peu plus exigeant. La Missa De beata virgine, une des trots
dernières du maître, sans doute composée vers 1510, peu avant l’ultime
chef-d’oeuvre de la Pange lingua, fut sa messe la plus diffusée et
citée au XVIe siècle. C’est là un paradoxe singulier tant elle s’écarte du
style compact, foisonnant, alerte et dynamique qui fait l’enchantement de la
plupart des autres L’auditeur peut s’y trouver désorienté par l’absence
d’unité tonale et thématique (chaque mouvement paraphrase un plain-chant —
et donc un mode — différent), par le contrepoint capricieux induit par les
canons entre les voix intérieures et, enfin, par la texture à quatre puis
cinq voix (à partir du Credo), qui isole dans l’aigu une ligne
supérieure assez acrobatique. Ces difficultés expliquent sans doute la mince
discographie de cette Missa De beata virgine aussi fameuse que
disparate. Face aux efforts d’A Sei Voci (Diapason d’or en 1995) et
du Theater of Voices de Paul Hillier, la présente version, aux tempos bien
plus retenus, impose ses amples phrases et sa rutilante ligne de sopranos.
L’impeccable finition qui caractérise toujours l’ensemble de Peter Phillips
permet de savourer dans leurs moindres détails les intriguants méandres de
cette oeuvre de maturité singulière Avec la joyeuse Missa Ave maris
stella, on retrouve des sentiers contrapuntiques et rhétoriques plus
familiers. Les motifs du plain- chant tournoient dans le Kyrie, les
Gloria et Credo défilent avec une merveilleuse fluidité, Dans le
vaste Sanctus, Josquin déploie tout son arsenal, jusqu’à de
délicieuses superpositions polyrythmiques aux mots « in excelsis » du
Osanna. Ici encore, les deux sopranos se jouent avec brio d’une ligne
supérieure haut perchée et pleine de vie, soutenues par un sextuor d’une
intense homogénéité, aux phrasés et aux rebonds rythmiques magistralement
dirigés par maître Phillips. Ça chante, ça brille, ça joue. Du grand art.
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