| Analyste:  
    Isabelle Ragnard Ce premier volet, « Ossuaires », évoque le démembrement des corps saints et 
    la circulation des reliques dans l’Europe médiévale en prenant pour exemple 
    sainte Elisabeth de Hongrie, morte en 1231, dont le coeur fut transféré à la 
    cathédrale de Cambrai. A priori, le choix du répertoire, illustrant les 
    liens entre la Hongrie et le nord de la France, est très pertinent : cinq 
    répons monodiques issus de l’office de Sainte-Elisabeth composé peu après sa 
    mort, un motet à deux voix (Un chant renvoisie / Decantatur) 
    élaboré sur l’un de ces répons, et la plus ancienne lamentation mariale 
    hongroise, transmise sans musique mais qui serait l’adaptation libre d’un 
    planctus parisien. Cette sélection raisonnée semble pourtant secondaire 
    dans un projet esthétique voulant radicalement « revisiter le cathédralisme 
    (sic) par l’interprétation musicale », et qui s’y emploie dans toutes les 
    techniques de polyphonies attestées entre le IXe et le XIIIe siècles. Les 
    cinq répons sont ainsi prétextes à des improvisations dans le style 
    archaïque de l’organum parallèle, ou librement inspirées de fragments d’organa 
    de l’École de Notre-Dame (on reconnaît par exemple le graduel Viderunt 
    Omnes de Pérotin dans le verset lam vicino du répons Ante Dies 
    exitus).
 
    L’expérience est aussi attirante que la réalisation est éprouvante. Cette 
    transposition sonore de l’image de la dislocation des corps sanctifiés se 
    traduit par une dégradation des textes, rendus méconnaissables après des 
    changements de voyelles, et une segmentation outrée des pièces en fragments 
    polyphoniques hétérogènes. L’omniprésence de bourdons pesants, le manque de 
    justesse et la rugosité ostentatoire des voix provoquent un réel inconfort. 
    Tel un « corps monstrueux », cet étrange objet trouvera donc sa place dans 
    les cabinets de curiosités.   
    
    
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