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Diapason # 595 (10/2011)
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Ricercar
RIC316

Appréciation d'ensemble:
Analyste: David Fiala
 

Deux CD seulement, et pourtant c’est bien l’oeuvre complète d’un compositeur majeur que réunit ce joli boîtier. Paul Van Nevel et son jeune ensemble Huelgas, il y a trente ans, avaient déjà gravé tout Ciconia: leur intégrale a pris de sérieuses rides, et Jérôme Lejeune (monsieur Ricercar) a bien fait de prendre la relève en répartissant le projet entre deux formations : La Morra pour les pages profanes, Diabolus in Musica pour le sacré. Dans les huit motets et dix mouvements de messe (sept Gloria et trois Credo), on retrouve avec plaisir la formation d’Antoine Guerber, ici à huit voix mixtes, un organetto et deux sacqueboutes. Guerber alterne deux groupes solistes: voix masculines a cappella, ou duo aigu avec instruments. Sa lecture privilégie le texte et la structure des oeuvres, notamment par des effets de tremblements de voix aux cadences. Même si un peu plus de variété n’aurait pas nui face au chant onctueux (trop lisse?) du Orlando Consort et au grand spectacle que déployait Mala Punica dans ces pages, le naturel de ce chant qui semble s’effacer devant le génie de Ciconia a ses atouts. Et le versant profane emporte définitivement l’adhésion.

La Morra aborde les chansons (trois françaises et quatorze italiennes) avec trois voix de femmes, un contre-ténor et trois instrumentistes (jouant flûtes, clavicembalum, luth et vièle). L’ensemble, qui nous avait impressionnés plusieurs fois déjà par son travail sur les instruments à cordes et les claviers médiévaux, affiche une grâce et une limpidité immédiatement séduisantes. Sans effets appuyés, les alliages de timbres et les lignes tendues exaltent l’étonnante diversité de l’art de Ciconia: la plus désarmante simplicité (le virelai Aler m’en veux à deux voix, dialogue épuré pour soprano et flûte seules), la plus étourdissante complexité (dont les deux grands chef-d’oeuvre politiques, Una panthera et Le Ray au soleil, à six) ou le lyrisme visionnaire des dernières chansons (plages 15 à 17, à deux voix avec un instrument). On ressort émerveillé du « doux chant “de chambre” » revendiqué par Gondko. Et la somme atteint son but: donner la mesure du génie de Ciconia, et même un peu plus.

 

 

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