Texte paru dans: / Appeared in:
*  

Diapason # 589 (03/2011)
Pour s'abonner / Subscription information




Virgin
6419942
(CD + DVD)

Appréciation d'ensemble: 3 Diapasons
Analyste: Denis Morrier
Texte intégral: 
 

La nouvelle gravure du Vespro est l’une des plus discutables de ces dix dernières années. Certains partis pris étaient pourtant louables. Véritable version de concert et revendiquée
comme telle, elle ne s’encombre d’aucune interpolation grégorienne tendant à faire référence à une hypothétique reconstitution liturgique, inévitablement sujette à controverse. Le Lauda Jerusalem et le Magnificat sont transposés à la quarte inférieure ainsi que l’exige la notation particulière de ces pièces. Les parties vocales et instrumentales sont confiées à des solistes familiers de ce répertoire. Cette réalisation sans choeur ni capella étoffée semblait, en somme, s’inscrire dans la lignée des grandes versions philologiques initiée par Parrott en 1984 et magnifiée récemment par Alessandrini et Kuijken.

Dès le versiculus d’introduction, l’équilibre voix/instruments pose problème. Les chanteurs sont couverts, et les sopranos quasi inaudibles : un désagrément qui se reproduit à chaque tutti. L’emploi des instruments là où Monteverdi ne les spécifie pas se révèle particulièrement gênant Ainsi, le Laudate Dominum, pourtant mentionné « à huit voix seules avec l’orgue », se voit paré d’un dispositif envahissant(l’ «ut collocet eum »«y est inintelligible), la doxologie du Laetatus sum est entachée de diminutions de cornets d’un goût douteux, tandis que l’apparition subite des cuivres dans la conclusion d’Audi coelum contrarie la poésie et l’élévation spirituelle de ce joyau madrigalesque. Enfin, le foisonnement des cordes pincées (quatre instrumentistes) paraît exagéré, sans parler du recours au psaltérion. Ce fourmillement sonore, véritable signature de LArpeggiata, parasite le Duo seraphim et noie la déclamation du Nigra sum sous un flot d’arpègements.

Par ailleurs, les tempos (surtout rapides) et les caractères (rarement intérieurs) imprimés par Christina Pluhar laissent perplexe. Dans le Dixit Dominus, pris à un train d’enfer, les chanteurs paraissent plus soucieux de tenir le mouvement que d’articuler ou d’exprimer leur texte. Cette urgence devient plus chaotique que représentative du caractère guerrier du poème. Les questions de proportion rythmique dans et entre les psaumes sont éludées. Soumis à une pression tout aussi excessive, le Laetatus sum et surtout le Nisi Dominus placent certains chanteurs sur la corde raide, tandis que le si délicat Ave maris stella ne parvient pas à respirer. La Sonata sopra Sancta Maria est plus excitée qu’extati ue. Les versets du Magnificat se succèdent sur un ton uniformément péremptoire. En regard, le Lauda Jerusalem, confié aux seules voix avec l’orgue, offre un contraste aussi heureux qu’inattendu par sa doxologie humble et sereine.

Dans ce contexte globalement stressé, les voix se révèlent peu séduisantes, tant dans les polyphonies, qui manquent d’homogénéité et de lisibilité, que dans certains motets de solistes. Les sopranos paraissent généralement trop acides, mais réussissent à charmer dans le Pulchra es. En revanche, la ferveur fait défaut au Nigra sum, tandis que les arabesques du Duo seraphim ne décollent pas — le tempo soudainement retenu surexpose la disparité des trois ténors, que le sfumato scintillant du psaltérion et des luths n’arrive pas à voiler. Ce Vespro ne saurait donc rivaliser avec les nombreuses références disponibles : SavalI, Gardiner, Suzuki, Parrott, Kuijken, Alessandrini...
 

 

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews