On distingue presque toujours
trois étapes dans la production des grands maîtres : celle de la jeunesse,
où l'on constate l'influence de leurs modèles ; celle de la maturité, où
brille leur génie dans toute sa splendeur ; puis une troisième et dernière
étape où l'artiste tend à l'introspection. Le grand Josquin ne fait pas
exception à la règle.
La Missa
Pange lingua est la dernière composition connue du maître français, qui ne
vit pas l'édition de l'oeuvre, car elle fut publiée à Nuremberg en 1539 avec
douze autres Messes de différents auteurs. Le grand nombre de copies
manuscrites prouve sa popularité, mais dans des cercles très réduits. Cette
Messe est certainement l'oeuvre maîtresse du genre pendant la Renaissance,
et elle est sans doute celle qui résume l'art d'un maître dont la musique
est comparable, pour sa beauté sereine, à la peinture de Léonard.
La tissure en
contrepoint de chaque mouvement de la Messe, dont une partie du Sanctus et
de l'Agnus sont à deux voix face aux quatre voix du reste, se déroule dans
une clarté diaphane, qui devient réalité grâce à la magistrale leçon
d'interprétation a cappella de A Sei Voci. Sans sons stridents, sans à peine
hausser la voix, à la recherche de l'équilibre parfait entre les registres
vocaux, et surtout de la communication émotionnelle de la beauté, l'ensemble
vocal dirigé par Bernard Fabre-Garrus réussit à se rapprocher parfaitement
de la Messe de Josquin et de ses trois derniers motets sacrés, qui
complètent le programme du CD. Quant au dernier, Christus mortuus est, sur
l'auteur duquel on a des doutes, s'il n'est pas de Josquin, il est digne de
lui.
MARICARMEN GOMEZ
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