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Goldberg, no. 15, Printemps  2001
(Goldberg a cessé de publier - son site internet est également fermé)
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CARNETS DE VOYAGE 2

Crémone, 25 mai 2001

La musique, patrimoine fondamental de l’ Humanité

 

À vrai dire, la culture réside moins dans un patrimoine que dans la façon qu’on a de le valoriser ; et cette façon suppose un projet, lequel suppose une volonté... Nous voilà au rouet : cette volonté capable de faire revivre une culture devrait elle-même surgir d’une culture, d’une tradition, de ses valeurs.

Jean-Marie Domenach, Europe : le défi culturel

 

 

La récente distinction de l’ UNESCO, qui déclare la représentation du Misteri D’Elx patrimoine oral et intangible de l’ Humanité, est pour plusieurs raisons un grand événement. En premier lieu, c’est une distinction méritée, extensible à toute une communauté, qui a su maintenir vivante la mémoire d’ une tradition séculaire, et en particulier à tous les chanteurs, musiciens, acteurs et membres de l’ équipe du commité organisateur, qui sont parvenus à le recréer artistiquement et spirituellement, avec tant d’amour, de ténacité, de sensibilité et de générosité.

Ainsi, une représentation musicale, conservée en partie par la tradition orale, et par essence éphémère (puisqu’elle n’existe que le temps de sa représentation), est placée au même niveau que les grands chefs-d’œuvre, tels que les villes, temples et ensembles architectoniques, créés par l’homme au long de son histoire.

D’autre part, tous ceux d’entre nous qui admirent le Misteri d’ Elx, ainsi que les amants de la musique et plus particulièrement de la musique ancienne, se sentent remplis de satisfaction pour cette distinction accordée par un organisme international aussi emblématique, car elle confirme que les patrimoines artistiques tangible et intangible sont sur le même plan, et elle représente la reconnaissance absolue de la valeur artistique et spirituelle des patrimoines intangibles de l’ Humanité, dont la musique est l’ un des plus universels et des plus extraordinaires.

Cette valeur repose sur plusieurs aspects fondamentaux :

Sur l’ indispensable conservation, catalogation et accessibilité (pour l’ étude et la recherche) des musiques conservées dans les bibliothèques ou les archives des Etats, des communautés, des villes, des églises et des organismes privés.

Sur la nécessité de formation artistique des interprètes, qui seront indispensables pour donner une nouvelle vie aux musiques les meilleures et les plus représentatives de l’ histoire.

Et, pour finir, sur le soutien approprié apporté à la diffusion d’ un patrimoine millénaire et d’ un indiscutable intérêt universel, à la recherche de solutions originales pour les nouvelles circonstances dans lesquelles ces activités doivent se développer.

Espérons que les différents pouvoirs publics, éclésiastiques et privés auxquels revient l’énorme responsabilité de conserver ce patrimoine seront de plus en plus conscients et actifs dans la conservation, la diffusion et la défense de celui-ci contre la destruction et l’ oubli. Il est primordial d’obtenir la création et le développement des infrastructures nécessaires pour la recherche, l’ édition, l’ enseignement et la diffusion des musiques qui sont (grâce à leur extraordinaire dimension spirituelle et à leur lien avec l’ histoire de l’ Humanité) la mémoire vivante et les racines profondes de peuples qui ont contribué et doivent contribuer au développement de la civilisation.

Traduit par Dominique Lange