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 Extrait du livret / From the liner notes


Alia Vox
AVSA9882



Code-barres / Barcode : 7619986398822

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“Un bon musicien doit se livrer à tous
les caractères qu'il veut dépeindre…mais
c'est à l'âme que la musique doit parler”
Jean-Philippe Rameau

L'enregistrement

Cet enregistrement dédié à Jean-Philippe Rameau et à l'orchestre de Louis XV, fait suite à nos précédentes publications relatives aux orchestres de Louis XIII & Philidor et de Louis XIV et Lully. Même si Rameau n'a eu auprès de Louis XV, ni la même relation, ni le même rôle que celui qu'avait eu Lully avec Louis XIV et si la mémoire vivante de l'orchestre d'un Roi de France comme Louis XV mérite d'être associée à un seul musicien : c'est Jean-Philippe Rameau sans doute le meilleur choix. En effet l'extraordinaire diversité, la richesse et l'invention du langage orchestral, des formes et de l'instrumentation que nous a laissés Rameau, – surtout dans ses ouvertures, symphonies, danses et autres “airs a jouer”, incluses dans ses plus de 17 opéras, ballets, tragédies et pastorales –, le créditent comme le plus important, le plus innovateur et le plus génial compositeur français de son temps, spécialement pour la musique orchestrale et l'opéra. La sélection que nous vous proposons, de ces quatre “Suites ou symphonies à jouer” s'est faite, une fois surmonté l'embarras du choix, sur quatre de ses plus importantes productions lyriques; le ballet héroïque Les Indes Galantes (1735), la pastorale héroïque Naïs (1748)et les tragédies lyriques Zoroastre (1749) et Les Boréades (1764) sa dernière production. L'orchestre de Rameau se mêle plus intimement à la musique vocale pour former des ensembles scéniques et accueille aussi toutes les danses en faveur auprès du public de cette moitié du XVIIIe siècle. Dans l'opéra-ballet, comme dans la pastorale ou dans la tragédie lyrique, la danse possédait une double fonction : celle d'”agrément” scénographique, sans lien direct avec l'action ; et celle de moyen dramatique pour faire progresser l'action ou souligner des moments importants.

La préparation et la réalisation du projet se sont faites dans le cadre de notre “Première Académie de Formation professionnelle, de Recherche et d'Interprétation avec des instruments d'époque”. Organisée par la Fondation Centre International de Musique Ancienne de Barcelone et l'ESMUC, et dirigée par moi-même, avec la collaboration de Manfredo Kraemer et des solistes du Concert des Nations, cette Académie prévoyait la participation de jeunes musiciens professionnels provenant de différents pays d'Europe et d'Amérique. Des Master Classes sur le jeu individuel et d'ensemble, sur le son, l'articulation, l'ornementation, l'improvisation, le phrasé, la dynamique, les caractères de la danse et le tempo, dans l'interprétation de la musique orchestrale au temps de Rameau, ont été la base et le complément des répétitions précédant les concerts de Barcelone, Eindhoven, Cologne, Rotterdam, Metz, Paris et Versailles. Ainsi nous avons pu réaliser cet enregistrement dans la merveilleuse salle de concerts de l'Arsenal de Metz, complété quelques jours plus tard par l'enregistrement en DVD du concert donné au Théâtre Royal de Versailles.

Jean-Philippe Rameau

Notre connaissance de Jean-Philippe Rameau s'est surtout fondée sur sa musique et ses écrits, car nous avons très peu d'éléments sur l'homme et sa vie. Les contemporains nous l'ont montré plutôt taciturne ; dans son Eloge de M. Rameau (Paris, 1764) Guy de Chabanon nous dit qu'il traversait souvent les allées “seul, ne voyant et ne cherchant personne”. Assez solitaire – heureusement en bénéfice de son œuvre – ce Bourguignon ne refusait pas toutefois la compagnie ni la discussion avec des hommes de même force intellectuelle que la sienne. Mais le fait est que l'on ne sait presque rien des 30 premières années de sa vie, rien de très intéressant de la première moitié de sa longue carrière. Seules nous restent quelques informations relevant de son état civil et de ses engagements; Naissance à Dijon, où il fut baptisé le 25 septembre 1683. Son père – organiste à Saint Etienne de Dijon – lui enseigna très tôt la musique “…elle fût la première langue qu'il entendit et qu'il parla. Il pouvait à peine remuer les doigts, qu'il les promenait déjà sur le clavier d'une épinette” (Hughes Maret, Eloge historique de M. Rameau, Dijon 1766). L'enfant est confié aux jésuites du collège des Godrans : “Il se distinguait dans ce collège par une vivacité peu commune ; mais (…) pendant les classes, il chantait ou il écrivait de la musique et (…) ne passa pas la quatrième”. L'espoir de ses parents de lui faire étudier le droit est frustré, et on l'envoie à dix-huit ans en Italie. Après quelques mois à Milan, il revient en France en 1701, pour suivre une troupe de théâtre ambulant, comme premier violon d'orchestre. Une année plus tard, on le retrouve organiste suppléant à l'église Notre-Dame-des-Doms à Avignon et plus tard il est engagé pour six ans comme organiste de la cathédrale de Clermont-Ferrand. Cependant il quitte cette ville avant la fin de son contrat, pour devenir en 1706, de nouveau organiste, mais cette fois à Paris, chez les jésuites au collège de Clermont et auprès des Pères de la Mercy au Marais. C'est alors qu'il publie son premier livre de Pièces de Clavecin et concourt aussi, avec succès, pour la place d'organiste de Sainte Madeleine de la Cité, place qu'il refusa, d'éventuelles absences n'étant pas autorisées. En 1709 il succède à son père, à Dijon puis en avril 1715 il retourne à la cathédrale de Clermont-Ferrand où il s'établit pour les huit années suivantes. C'est là qu'il compose ses premières cantates et ses motets à grand chœur, et surtout publie le Traité de l'harmonie, son premier grand ouvrage théorique, qui lui vaudra une grande reconnaissance européenne.

Au début de 1723 à quarante ans, il revient à Paris où il va rester jusqu'à sa mort. Un an plus tard il publie chez Boivin, et avec grand succès, son deuxième recueil de Pièces de Clavecin, suivi en 1726 par la publication chez Ballard de son Nouveau système de musique théorique. Finalement arrive un grand événement dans sa vie privée : il épouse à 46 ans, Marie-Louise Mangot, une jeune fille de 18 ans, musicienne, selon Maret “une femme honnête, douce et aimable, qui a rendu son mari fort heureux ; elle a beaucoup de talents pour la musique, une fort jolie voix et un bon goût du chant”. Quelques années plus tard en 1734 Mme. Rameau chanta dans un concert pour la reine et le Mercure rapportera que “La reine loua beaucoup sa voix et son goût pour le chant”. C'est aussi à cette époque que Rameau commence à lutter pour se faire une place dans le monde de l'Opéra, du ballet et de la tragédie lyrique. Dans sa lettre de 1727 à Houdar de La Motte, où il présente ses œuvres, il lui fait remarquer ceci : “Vous verrez, pour lors, que je ne suis pas novice dans l'art et qu'il ne paraît pas surtout que je fasse grande dépense de ma science dans mes productions, où je tâche de cacher l'art par l'art même ; car je n'y ai en vue que les gens de goût et nullement les savants, puisqu'il y a beaucoup de ceux-là et presque point de ceux-ci”. Il montre ainsi jusqu'à quel point il désire entreprendre des projets lyriques importants. L'académicien conserve la lettre mais ne lui répond pas. C'est grâce à l'amitié de Piron, qu'il entre en contact avec le Fermier général Le Riche de La Pouplinière, mécène et grand amateur de musique, chez qui est représenté en privé (avril 1733) son premier opéra Hippolyte et Aricie. Puis lui succèderont Les Indes Galantes son premier “Ballet Héroïque” qui sera suivi jusqu'à sa mort le 12 septembre 1764, de magnifiques chefs-d'œuvre de la musique lyrique et instrumentale pour orchestre, répartis dans une vingtaine d'œuvres pour l'Opéra.

Écrits et Querelles

C'est au même moment (en 1729), avec la publication par Le Mercure de France d'une Conférence sur la musique d'un auteur anonyme, que commence une longue guerre d'idées contre le système proposé par Rameau dans des publications polémiques, aboutissant quelques années plus tard (en 1752) à la redoutable «Querelle des Bouffons”. Dans celle-ci une certaine lutte contre le régime, touchant – malgré lui – Rameau lui-même, se prévaut de tous les moyens pour critiquer la musique française, en l'associant sans nuances à toute la splendeur des machineries, des pompes – avec perruques ou casque à chenille – propres aux spectacles royaux de Versailles, en l'opposant aux spectacles pleins d'humour, de simplicité et de légèreté, présentés par les troupes des Bouffons italiens. Comme le remarque justement Jean Malignon : contre la cour de Versailles «toutes les occasions, et tous les moyens vont être bons : aujourd'hui ce sont les Bouffons italiens, vive la bouffonnerie et vive l'Italie !, demain Gluck , vive donc cet Allemand et vive la tragédie ! quitte après-demain à porter en triomphe les puériles fadaises de Grétry». À la fin, “ce qui ressort de cette âpre Querelle, c'est le caractère indirect des attaques, c'est l'arrière pensée constante : à travers le rideau prétexte de l'Opéra, Diderot vise l'esprit même de Versailles, Grimm vise l'esprit français tout entier, et Rousseau vise l'homme”.

“Le conflit d'idées entre Rousseau et Rameau nous offre – selon Joscelyn Godwin – un remarquable aperçu des courants qui dépassent largement les limites de leur époque.” Rameau établit à partir de la théorie mono-cordiste de Pythagore, de Zarlino et de Descartes les principes du langage tonal, des harmoniques naturels et met en place le système de la basse fondamentale. Il définit les catégories des cadences et le pouvoir expressif des modulations selon le cycle des quintes. Tandis que pour Rousseau, amateur doué qui s'enthousiasmait pour le mélodieux opéra italien, l'harmonie ne méritait aucunement une telle primauté en musique. “De quel droit l'harmonie, qui ne peut se donner à elle-même un fondement naturel, voudrait-elle être celui de la mélodie, qui fit ses prodiges deux mille ans avant qu'il fut question de mélodie ou d'accords ?” Rameau a certainement raison de reconnaître que les conventions de la tonalité occidentale sont une manifestation des lois naturelles du nombre musical, mais Rousseau a aussi raison de défendre l'antique source de la musique, dont celle-ci ne saurait se passer si elle veut rester elle-même.

Dans sa déclaration de guerre, Lettre sur la musique française, Rousseau n'hésite pas à satisfaire la partie la plus inculte du public : “De faire chanter à part les violons d'un côté, de l'autre les flûtes, de l'autre des bassons, chacun sur un dessin particulier, et sans presque de rapport entre eux et d'appeler tout ce chaos de la musique, c'est insulter également l'oreille et le jugement des auditeurs”. Comme le souligne Jean Malignon : “Le dogme ainsi posé, à la satisfaction de la partie la plus inculte du public, voilà notre législateur dispensé de toute analyse et de toute démonstration : la musique de Rameau présente une densité telle que d'emblée elle s'impose à l'auditeur le plus distrait ; elle est d'un symphoniste puissant : ergo elle n'est pas de la musique.” “Sottises difficiles – selon Rousseau – que l'oreille ne peut souffrir” dit-il encore, “restes de barbarie et de mauvais goût, qui ne subsistent, comme les portails de nos églises gothiques, que pour la honte de ceux qui ont eu la patience de les faire”. Quand s'éteignit la Querelle, les différents genres de la musique théâtrale française étaient blessés à mort. Dix ans plus tard, Rameau, le seul qui avait continué à écrire dans un style que la grande majorité tenait pour dépassé, finit sa dernière “tragédie lyrique” Les Boréades qui ne fût pas représentée de son vivant, on ne sait pas si ce fut à cause des fièvres qui l'amenèrent à la mort, ou pour d'autres causes.

Progrès et Mémoire musicale

“Mais le plus étonnant – dans cette fin de la Querelle –, n'est-il pas – se demande encore Jean Malignon – que le groupe des philosophes et tous ses contemporains, sans en excepter les partisans de l'opéra français, aient pu sans rire le voir (Rousseau) parader et se poser en rival du plus grand compositeur de l'époque et discuter d'égal à égal avec lui ?” Mais tout ceci exprime le point de vue de toute une époque qui croit fermement “qu'une certaine forme de progrès” permet d'améliorer l'art du langage et de la composition musicale. La même croyance et les mêmes points de vue inspirent Stendhal en 1814, quand il les défend dans son œuvre “Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase”. C'est le mirage d'un progrès musical qui l'empêche et le rend incapable de juger objectivement les chefs-d'œuvre d'un passé récent ou ancien, dont il ignore, par mépris, toute l'histoire réelle. Stendhal ne connaît rien à la musique française d'avant la Révolution quand il écrit : “On ne trouve un peu d'originalité en France que dans les classes du peuple trop ignorantes pour être imitatrices ; mais le peuple ne s'y occupe pas de musique, et jamais le fils d'un charron de ce pays-là ne sera un Joseph Haydn”. Stendhal n'a jamais entendu de Lully, ni de Couperin, ni de Rameau, sa mémoire sur la vie musicale française est étonnamment vide ou frappée d'une totale amnésie.

Aldous Huxley évoquait, dans un essai sur Carlo Gesualdo, “la tragique perte de mémoire de la conscience musicale européenne, amnésie qui a perduré jusqu'à la fin de la IIe Guerre Mondiale. Même dans les années 50, le répertoire musical d'avant Monteverdi, enfoui sous les couches culturelles successives amoncelées par le modernisme, attendait encore d'être redécouvert”. C'est justement cette redécouverte qui s'est faite, peu à peu, à partir des années 70, grâce aux importants travaux et recherches de nombreux musicologues et d'historiens spécialisés. C'est plus encore grâce au talent et la persévérance de nouvelles générations d'interprètes qui ont été capables d'aborder ce nouveau répertoire avec sensibilité et émotion à partir d'une connaissance approfondie des styles et de la pratique de l'interprétation musicale historique pour les voix et pour les instruments originaux, propres à chaque époque et à chaque pays. Cette véritable renaissance nous a confirmé ce que nous rappelait Rameau lui-même : “La vraie musique est le langage du cœur” et “l'on ne peut juger de la musique que par le rapport de l'ouïe ; et la raison n'y a d'autorité qu'autant qu'elle s'accorde avec l'oreille”.

JORDI SAVALL

Bellaterra, Avril 2011

ENGLISH VERSION

 

“A good musician must abandon himself to all
the characters he sets out to depict…but
the music must speak to the soul.”
Jean-Philippe Rameau

The recording

 


This recording devoted to Jean-Philippe Rameau and the orchestra of Louis XV follows our previous releases that focussed on the orchestras of Louis XIII and Philidor, and Louis XIV and Lully. Although Rameau’s relationship to Louis XV and his role under the king cannot be compared to those enjoyed by Lully under Louis XIV, if the living memory of the orchestra of King Louis XV of France were to be linked to one musician above all others, that musician would undoubtedly be Jean-Philippe Rameau. Indeed, the extraordinary diversity, richness and inventiveness of the orchestral language, forms and instrumentation that are Rameau’s legacy, particularly in his overtures, symphonies, dances and other “airs à jouer” included in his more than 17 operas, ballets, tragedies and pastorales, justify his being regarded as the most important, innovative and brilliant French composer of his age, especially with regard to orchestral music and opera. Once we had overcome the initial quandary of choosing the pieces, our present selection of four “instrumental suites or symphonies” was taken from four of Rameau’s most important works for the stage: the ballet héroïque, Les Indes Galantes (1735), the pastorale héroïque, Naïs (1748) and the two lyric tragedies Zoroastre (1749) and his last production, Les Boréades (1764). Rameau intimately blends the orchestra with the vocal music to form his scenic ensembles, as well as incorporating all the dances that were so popular with the public during the first half of the 18th century. In the opéra-ballet, as in the pastorale and the lyric tragedy, dance performed a dual function: on the one hand, it could provide an “embellishment” to the scenography of the work, having no direct connection with the action; on the other hand, it could be a dramatic means of moving the action forward or highlighting important moments in the plot.

The preparation and realisation of this project were carried out in the context of our “First Professional, Research and Performance Using Period Instruments Academy.” Organised by CIMA (International Early Music Centre) Foundation and ESMUC, under my own direction, with the collaboration of Manfredo Kraemer and the soloists of Concert des Nations, the Academy’s objective was to foster the participation of young professional musicians from various countries in Europe and America. Our master classes on individual and ensemble playing, sound, articulation, ornamentation, improvisation, phrasing, dynamics and characteristics of dance and tempo in the performance of orchestral music at the time of Rameau informed and enhanced the rehearsals leading up to concerts in Barcelona, Eindhoven, Cologne, Rotterdam, Metz, Paris and Versailles. The present recording was made in the wonderful concert hall of the Arsenal in Metz, followed a few days later by the DVD recording of the concert given at the Théâtre Royal de Versailles.

 

Jean-Philippe Rameau


With very little information on the man and his life, our knowledge of Jean-Philippe Rameau is based primarily on his music and his writings. His contemporaries portray him as rather taciturn; in his Éloge de M. Rameau (Paris, 1764) Guy de Chabanon tells us that the composer often walked the avenues “alone, seeing and seeking out no other person.” Notwithstanding his rather solitary nature (no bad thing for his music), he was not always averse to the company and conversation of men of his own intellectual stature. Yet, the fact is that we know practically nothing about the first 30 years of his life, and nothing of much interest about the first half of his long career. Only a handful of details have come down to us concerning his civil status and the positions that he held. He was born in Dijon and was baptised in that city on 25th September, 1683. From earliest childhood, he received music lessons from his father, the organist at Saint Etienne de Dijon. In Eloge historique de M. Rameau (Dijon 1766), Hughes Maret observes: «…it was the first language that he understood and spoke. No sooner could he move his fingers than he was already running them over the keyboard of a spinet.» The child was sent to the Jesuit Collège des Godrans in Dijon: «He distinguished himself at the school because of his remarkable high spirits; but (…) he spent his time in lessons singing or writing music and (…) did not complete quatrième (middle school).» His parents’ hopes that he would study Law were dashed, and when he was eighteen they sent him to Italy. After a few months in Milan, he returned to France in 1701, where he joined the orchestra of a touring theatrical troupe as first violin. One year later, we find him as deputy organist at the church of Notre-Dame-des-Doms in Avignon, and he was subsequently employed for six years as organist at the cathedral of Clermont-Ferrand. However, he left Clermont-Ferrand before the end of his contract and in 1706 he took up an appointment as organist at the Jesuit College in Paris, where he was also organist to the Pères de la Merci (Mercedarians) in the Marais district. It was at this time that he published his first book of Pièces de Clavecin and also successfully applied for the post of organist at Sainte Madeleine de la Cité, although he was unable to accept the position because he could not persuade the church authorities to agree to his taking leave of absence. In 1709 he succeeded his father at Saint Etienne de Dijon. In April 1715 he returned to Clermont-Ferrand Cathedral, where he remained for the next eight years. While there, he composed his first cantatas and his motets for full orchestra, and, notably, published his Traité de l’harmonie, his first major theoretical work, which was to win him European-wide recognition.
 

At the beginning of 1723, when Rameau was forty years old, he returned to Paris, where he remained for the rest of his life. In 1724 the composer’s second collection of Pièces de Clavecin was very successfully published by Boivin, and in 1726 Ballard published his Nouveau système de musique théorique. Finally, a great event took place in his personal life: at the age of forty-six he married eighteen-year-old Marie-Louise Mangot, a musician and, in the words of Maret, «a good, sweet, amiable woman, who made her husband very happy; she was musically gifted, had a very pretty voice and was an accomplished singer.» A few years later, in 1734, Mme Rameau sang in a concert for the queen, the Mercure reporting that «The queen praised her voice and her accomplished singing.» It was also at this time that Rameau began to make his way in the world of opera, ballet and lyric tragedy. In 1727, in an introductory letter to the librettist Houdar de La Motte of the Académie Française he wrote the following: «You will therefore appreciate that I am no novice in the art and that my skill does not appear laboured in my productions, in which I strive to conceal art through art itself; for my aim is to please people of good taste, not intellectuals, since there are many of the former and hardly any of the latter.» It is therefore clear that he was very eager to embark on major operatic projects. Houdar de La Motte kept the composer’s letter, but did not reply to it. It was thanks to Rameau’s friendship with Piron that he made the acquaintance of Le Riche de La Pouplinière, the fermier général (“chief tax officer”), and a great patron and music lover, at whose house Rameau premiered (in April 1733) his first opera Hippolyte et Aricie in a private performance. This work was followed by Les Indes Galantes, his first ballet héroïque, which, from then until the time of his death on 12 September 1764, was followed by a stream of magnificent lyric masterpieces and instrumental pieces for orchestra, which grace some twenty operatic works.
 

Writings and “Quarrels”

Around this time (1729), Le Mercure de France published an anonymously penned article entitled Conférence sur la musique, thereby unleashing a series of controversial publications in a protracted war of ideas against the system proposed by Rameau, culminating a few years later (in 1752) in the formidable “Querelle des Bouffons” (Dispute of the Buffoons). The dispute entailed a rejection of the régime, one which even extended to Rameau himself, and used all possible means to criticise French music, which it associated lock, stock and barrel with all the splendour of the machineries and the pomp – complete with wigs and crested helmets – of the royal spectacles at Versailles, in contrast to the humour, simplicity and light-heartedness of the spectacles staged by the Italian “buffoons” of the opera buffa. As Jean Malignon aptly remarks, no holds were barred against the court of Versailles: «every opportunity and every means were admissible: today it is the Italian Buffoons… Long live buffoonery and long live Italy! Tomorrow it will be the turn of Gluck, so long live the German and long live tragedy! Even if the day after tomorrow that leads us to acclaim the puerile nonsense of Grétry.» Ultimately, «the most striking thing about this bitter quarrel was the devious nature of the attacks and the constant innuendoes: using the Opera as their pretext, Diderot takes aim at the very spirit of Versailles, while Grimm finds fault with the spirit of France as a whole, and Rousseau makes man the object of his critique.»

In the view of Joscelyn Godwin, the conflicting ideas of Rousseau and Rameau serve as a general illustration of tendencies whose reach extends far beyond the confines of the period. On the basis of the monochord theory of Pythagoras, Zarlino and Descartes, Rameau established the principles of tonal language and natural harmonics, putting in place the system of fundamental bass progressions. He defined the categories of cadences and the expressive power of modulations according to the circle of fifths. Rousseau, on the other hand, a gifted amateur with a predilection for melodious Italian opera, denied that harmony deserved any such primacy in music. «By what right does harmony, which itself has no natural basis, claim to be the basis of melody, the wonders of which date back two thousand years before the question of melody and chords arose?» Rameau was right when he observed that the conventions of Western tonality were a manifestation of the natural mathematical laws of music, but Rousseau was also right in his defence of the ancient origins of music, without which music as we know it would not exist.
 

In his declaration of war, Lettre sur la musique française, Rousseau had no hesitation in pandering to the less educated members of the public: «Making the violins play on the one hand, the flutes on the other, and the bassoons somewhere else, each following its own particular design, with hardly any relationship between them, and to call the ensuing chaos music, is to insult both the ear and the judgement of the audience.» As Jean Malignon points out, «Having thus set forth his dogma to the satisfaction of the least enlightened sections of public opinion, our legislator spares himself the need for any analysis or proof: Rameau’s music is so dense that it immediately impresses the unwary listener; it is intensely symphonic music: ergo it is not music.» Rousseau described it as «difficult nonsense that offends the ear», and «remnants of barbarism and bad taste, which, just like the portals of our Gothic churches, persist only to the shame of their patient builders.» By the time the Querelle had subsided, the various genres of French theatre music had been dealt a fatal blow. Ten years later, Rameau, the only composer who continued to write in a style regarded as outmoded by the vast majority, finished his last tragédie lyrique, Les Boréades. He did not live to see it performed. Whether he was prevented from seeing the work staged by the fever that caused his death or by some other cause, we do not know.
 

Progress and Musical Memory

Jean Malignon went on to remark: «But perhaps the most astonishing thing is that the philosophers and all their contemporaries, including the supporters of French opera, looked on with a straight face when they saw Rousseau strutting about and setting himself up as the rival of the greatest composer of the day, debating with him as an equal.» And yet, Rousseau’s views reflected those of an entire period, which was convinced that “a certain kind of progress” opened up the possibility of improving the art of musical composition and language. The same belief and points of view inspired the opinions of Stendhal, as expressed in 1814 in his work Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase. The mirage of musical progress clouded his view, preventing him from forming an objective judgment of the masterpieces of the recent or distant past, the true history of which he was contemptuously ignorant. Stendhal knew nothing about French music before the Revolution when he wrote: «What little originality there is in France is to be found among the lower classes, whose ignorance prevents them from being imitators; but the people do not concern themselves with music, and in this country no son of a wheelwright will ever be a Joseph Haydn.» Stendhal had clearly never heard about Lully or Couperin or Rameau, his memory concerning French musical life being either astonishingly sketchy or stricken with total amnesia.
 

In an essay on Carlo Gesualdo, Aldous Huxley referred to the tragic loss of memory of European musical conscience, an amnesia which persisted until the end of World War II. Even in the 50s, the musical repertory before Monteverdi, which lay hidden beneath the successive cultural layers heaped on it by modernism, was still waiting to be rediscovered. Beginning in the 1970s, this rediscovery gradually occurred thanks to the important work and research of numerous musicologists and specialist historians. Even more so, it was thanks to the talent and perseverance of those new generations of performers who approached the new repertory with sensitivity and emotion from an in-depth knowledge of the styles and practice of historical musical performance for both voice and original instruments, specific to each period and country. This genuine renaissance is a confirmation of Rameau’s own words: «True music is the language of the heart» and «music can only be judged through the intervention of hearing, and reason only has authority in it insofar as it agrees with the ear.»

 

JORDI SAVALL
Bellaterra, April 2011


Translated by : Jacqueline Minett

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