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Classica # 191 (04/2017)
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Alpha 
ALPHA261




Code-barres / Barcode : 3760014192616

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Analystes: Jérémie Bigorie et Philippe Venturini

SACRÉS JEUX DE MIROIRS

GRÂCE À UN SAVANT ENTRELACS D'OEUVRES D'HIER ET D'AUJOURD'HUI, SIMON-PIERRE BESTION ENIVRE ET ÉMERVEILLE L'AUDITEUR DANS UNE COMMUNION DE COULEURS ET D'ÉPOQUES. TOUJOURS AVEC LE MÊME CULTE DE L'EXIGENCE.

Le principe d'entrecroisement des oeuvres, si passionnant qu'il soit à vivre au concert, demeure sujet à caution au disque. Mais il faut bien rendre les armes lorsque cela est réalisé avec autant d'art et d'intelligence. À travers un savant jeu de miroirs rappelant celui des vitraux, le programme agit telle « une liturgie réinventée à partir du culte catholique », comme l'explique Simon-Pierre Bestion. Pour ce qui est de l'esthétique sonore, l'héritage de Marcel Pérès est pleinement assumé, qui permet une véhémence expressive gommant les balises du temps: fascinante à cet égard l'entrée des deux ténors dans le Sanctus de la Messe de Stravinsky, inscrite dans la continuité du modèle médiéval.

L'interprétation de la Messe de Machaut conjugue la lisibilité (les sections homorythmiques) et une certaine ferveur méditerranéenne consécutive à l'intonation gutturale. Stravinsky et Ohana bénéficient eux aussi de ces sonorités âpres et rudes, même si la disposition en pupitres mélangés, avec le choeur disposé en cercle, efface le tranchant des scansions verticales caractéristiques du langage du Russe. À l'évidence, c'est ici la fusion qu'on recherche ­ celle des couleurs comme celle des époques. L'Agnus Dei n'a jamais autant accusé son obédience franco-flamande mâtinée de soleil ibérique.

 

L'ESTHÉTIQUE SONORE HÉRITÉE DE MARCEL PÉRÈS PERMET UNE VÉHÉMENCE GOMMANT LES BALISES DU TEMPS

 

Tout aussi pertinente pour l'oreille et l'esprit apparaît l'alternance des Cantigas d'Alphonse X Le Sage et celles de Maurice Ohana; nous sommes mêlés à une procession venue du fond des âges. Superbement préparés, les membres du choeur La Tempête rendent justice au « chromatisme modal » de la Cantiga de los Reyes Magos, aux alliages à la fois primitifs et raffinés de la Cantiga del destierro, à la violence de La Noche santa et à la Cantiga del Azahar, hymne marial chanté sur le modèle d'une saeta andalouse. Le concert accompagnant la sortie du disque, le 21 février en l'église Saint-Eustache, à Paris, a permis non seulement d'apprécier l'exceptionnel niveau de préparation des musiciens, mais aussi de percevoir en trois dimensions cette scénographie sacrée. « Notre disposition est déterminée par cette immersion à la fois envoûtante et évanescente au son », explique Simon-Pierre Bestion.

Immersion des instrumentistes, encerclés par le choeur, mais aussi du public, profitant d'un dispositif savamment conçu que distribue la quarantaine de musiciens en une procession solennelle dans la nef, puis en différentes configurations dans le choeur et même sur la tribune de l'orgue, le tout souligné par un éclairage ad hoc. Voilà le son et lumières réinventé et soumis à une exigence musicale intransigeante. Les choeurs et les vents semblent animés par un immense soufflet : c'est celui de la bien nommée Tempête qui, selon le voeu de son chef, « désoriente l'auditeur dans les époques ». Une tempête manifestement venue du sud, qui colporte le parfum capiteux de cette « Azahar » (fleur d'oranger) et éblouit autant qu'elle étourdit.  


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