Texte paru dans: / Appeared in:
*  

Diapason # 613 (05/2013)
Pour s'abonner / Subscription information


Decca
4785242




Code-barres / Barcode: 0028947852421 (ID295)

Consultez toutes les évaluations recensées pour ce cd ~~~~ Reach all the evaluations located for this CD

Appréciation d'ensemble:
Analyste:  Gaétan Naulleau
 

Une perfectionniste-née, des coloratures surnaturelles (encore mieux : absolu ment naturelles), un récital pour Decca à vingt-deux ans : le tableau vous rappelle quelque chose? Mieux vaut pourtant stopper là le rapprochement de Cecilia Bartoli et de la soprano russe dont l’éditeur entend faire sa nouvelle diva. Ni titre de récital, ni compositeur sur la couverture, seulement «Julia Lezhneva » en majuscules bleues.., artifice osé pour afficher en star celle qui n’en est pas encore tout à fait une.

Fêté par un Diapason découverte, son premier récital (Rossini, cf. n° 590) ne laissait aucun doute: il faut tout attendre de la demoiselle. Mais, à en juger par le deuxième, qui l’installe sur le terrain baroque, il faut attendre encore, On referme l’album d’autant plus frustré qu’on n’a jamais entendu un tel faisceau de qualités au service de Handel ou Vivaldi : clarté du timbre et onctuosité, legato de rêve et agilité ne tolérant pas le moindre flou, même pianissimo. Et ces notes filées (plage 7, à 1’10”: idéal messa di voce), et ce (vrai) trille En aviez-vous déjà entendu un parfaitement dessiné en tierces parallèles au hautbois et au chant? Effet grisant à la fin du Saeviat tellus. Mais le motet romain, que le jeune Handel destinait certainement à un castrat athlétique, résume aussi la noblesse un peu morne qui domine l’album. Lezhneva se garde d’un brio trop démonstratif, fort bien, mais elle pèche à l’inverse par une manière trop instrumentale et décorative qui, par exemple, sape l’effet des contre-ré attaqués. Certes, entre cette crème et le sifflet de Jill Feldmann (avec Parrott), on choisit vite. Mais cette belle ouvrage vertueuse nous laisse loin des étincelles d’Annick Massis, glorieuse dans le premier numéro, ensorcelante dans l’épisode nocturne (O nox dulcis, quies serena).

Une virtuosité si droitement calibrée est-elle vraiment un atout dans le premier volet d’In furore (Vivaldi)? Quelle idée, d’ailleurs, ouvrir sur un air de colère le récital d’une musicienne si naturelle ment suave! Pas moins absurde, l’assortir d’un Giardino Armonico toujours aussi sec de trait et binaire de caractère - très détaché ou très lié, très fort ou pianissimo, agressif ou vaporeux au possible (deuxième air, ennuyeux, dont on ne saisit pas un traître mot). Ce mariage de la carpe et du lapin dessert particulièrement l’Exsultate,jubilate le plus terne qu’il nous a été donné d’entendre, où les grimaces de l’orchestre accusent par contraste la placidité de la voix. Dans le même registre noble, une Arleen Auger (avec Bernstein, DG) ou une Margaret Marshall (avec Marriner, Philips) offraient cent fois plus de vie à la partition festive. Mais on gardera précieusement l’album pour le motet de Porpora glissé entre Handel et Mozart, festival de trilles divins et de pirouettes nonchalantes. Une sorte de babillage sophistiqué, un monument rococo érigé à la gloire de la candeur, du charme à l’état pur. Bien malin qui, après cela, prédira l’avenir de la demoiselle. Seulement vingt-deux printemps, insistons!   

 

Fermer la fenêtre/Close window

 

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews