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Diapason # 658 (06/2017)
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Printemps des Arts

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Analyste: Denis Morrier

Chef‑d'oeuvre emblématique de la « musique mesurée à l'antique », le Printemps tramait trente‑neuf « chansonnettes » sur des poèmes d'Antoine de Baïf. Le poète, s'inspirant des travaux des premières accademie néo‑platoniciennes italiennes, voulait créer de nouvelles formes poétiques françaises modelées d'après la métrique de l'Antiquité gréco‑latine. Il avait également le projet d'une Académie de poésie et de musique, où littérateurs et compositeurs devaient fusionner leurs recherches. Laboratoire de l'avant‑garde musicale de la Renaissance française, cette Académie, attaquée par le Parlement et les Facultés, n'eut qu'une existence éphémère. Elle fut néanmoins déterminante.

Le Jeune fut celui qui concrétisa au mieux ledit projet esthétique de Baïf Les polyphonies du Printemps, publiées par Ballard en 1603, sont d'une variété et d'une profondeur expressive admirables. Pourtant, les trente-neuf pièces originales ont connu un seul enregistrement intégral, en 1975, par les voix datées de l'ensemble Jacques Feuillie (Arion, 2 CD), Vingt ans plus tard, Paul Van Nevel sélectionnait douze chansons pour une lecture plus vivante et colorée, mêlant voix, flûtes et violes (Sony). Denis Raisin‑Dadre nous offre à son tour une sélection de douze pièces, auxquelles il associe deux autres chansons (dont l'ample et pathétique Comment pensés vous que je vive, sur un poème de Jean de Sponde) et deux danses instrumentales.

Fraîche, radieuse, l'interprétation surclasse les précédentes. Les polyphonies confiées aux voix limpides de six chanteurs à la vocalisation gracile, sont colorées par le soutien varié du luth, d'une harpe triple, de deux violes et d'un trio de flûtes à bec. La précision subtile des rythmes (une gageure dans cette écriture) et l'intelligibilité (talon d'Achille de la gravure Van Nevel) des paroles sont confondantes, fruit d'un minutieux travail de préparation avec un des plus éminents spécialistes des prononciations anciennes, Olivier Bettens.

Un charme intense émane de ces miniatures poétiques, dont la forme et la rythmique singulières ont inspiré à Olivier Messiaen ses célèbres Rechants. Quelle aisance dans le fameux Revecy venir du Printems introductif, paré de couleurs instrumentales toujours changeantes, quelle allègre fluidité dans les ornements vocaux! Quelques chansons invitent à de minimes réserves, comme O Rôze reyne des Fleurs, où les sopranos sont mal à l'aise dans leurs trop graves entrelacs et où l'intonation parait moins assurée dès que les instruments cessent de soutenir les voix. Broutilles, en vérité : cette réalisation compte parmi les contributions les plus décisives à la discographie profane de Le Jeune, à ranger près du merveilleux récitai pour voix et luth de Claudine Ansermet (Symphonia, Diapason d'or).


 

   

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