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Classica # 165 (09/2014)
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Alia Vox
AVDVD9905




Code-barres/Barcode: 843408099059 (ID418)

 

Appréciation d'ensemble / Overall evaluation :

Analyste: Jérémie Bigorie

JORDI SAVALL CONFÈRE UN SURCROÎT D’UNIVERSALITÉ À CETTE MUSIQUE, LÀ OÙ D'AUTRES LA CIRCONSCRIVENT DAVANTAGE AU SÉRAIL VERSAILLAIS.


Aux grands moments qui cadencent la liturgie mariale (Canticum in honorem Beate Virginis Mariae inter homines et angelos, Pour la conception de la Vierge, Nativité de la Vierge, Salve Regina, Pour la fête de l’Épiphanie, Magnificat, Stabat Mater pour les religieuses et Litanies), auxquels Jordi Savall consacra un enregistrement pionnier en 1989 repris ici, sont ajoutés dans ce « livre‑disques » la Missa Assumpta est Maria et Nuit donnés à la Chapelle Royale de Versailles en 2004 ‑ la Capella de Catalunya se substituant à la crème des chanteurs baroques du moment (la regrettée Montserrat Figueras, Gérard Lesne, mais aussi la soprano Maria Christina Kiehr ou le ténor John Elwes) ‑, ainsi que le Concert pour quatre parties de violes enregistré en 2013 (avec Philippe Pierlot au haute‑contre de viole). Voilà qui compose un hommage au Charpentier religieux d'une grande cohérence en même temps que s’aiguise, au fil des années, l'interprétation du Catalan. Une interprétation d'une profonde intériorité et vivante à la fois, sachant trouver le climat idéal pour chaque pièce, quitte à faire preuve d'une certaine sensualité dans ces diverses évocations de la Vierge qui n’est pas sans rappeler l'univers mystique de Saint Jean de la Croix. Malgré l’effectif modeste requis pour la Missa Assumpta Est Maria conformément à la version retenue (celle dite H. 11a du deuxième manuscrit), se fait jour un geste large et enveloppant, renforcé par une acoustique onctueuse et une prononciation classique du latin qui confère un surcroît d'universalité à cette musique de là où d'autres, en s'attachant à restituer une prononciation à la française, la circonscrivent davantage au sérail versaillais ; un Charpentier qui ne plaira pas aux aristarques, donc, mais qui présente l'avantage appréciable de parler au plus grand nombre. Le souci musicologique n'est pas écarté pour autant: il n'est que de noter les ajouts bienvenus des parties « colla parte » ainsi que des brèves Symphonies introductives au Cantum et au Magnificat « en accord avec les pratiques usuelles de l'époque » (Catherine Cessac). Une grâce incoercible se dégage des rythmes inégalisés avec liberté par les chanteurs: on aime ces phrasés veloutés qui ne scandent jamais à outrance, y compris dans le Credo de la Messe destiné à la fête de l'Assomption, sans doute la plus belle des onze. Le DVD, capté à la Chapelle Royale du Château de Versailles, donne à voir cette chorégraphie que dessine la paume de la main du violiste ‑ déjà une invitation à la musique en soi. Le Concert pour quatre parties de violes prolonge l'atmosphère de recueillement de la Messe dans une optique opposée à la version de William Christie (Erato), laquelle distribuait les mouvements parmi des airs profanes. Soulignera‑t‑on enfin la beauté de l'objet ‑ celui‑là même qu'on a plaisir à thésauriser ‑ comprenant une notice historique, la triple traduction des textes jointe à une superbe iconographie ? Sans doute la meilleure introduction possible à l'oeuvre sacrée du compositeur baroque français le plus joué.

 

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