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Diapason # 627 (09/2014)
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Naïve
OP30557




Code-barres / Barcode : 0709861305575 (ID452)

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Appréciation d'ensemble:

Analyste: Denis Morrier

La discographie montéverdienne abonde en reconstitutions liturgiques, vêpres ou messe. Ces offices imaginaires assemblent des pièces éparses empruntées à divers recueils de Monteverdi, voire d'autres compositeurs. Rinaldo Alessandrini sacrifie ici pour la première fois à cette pratique inaugurée par Denis Stevens en 1979 (« Vêpres de la Nativité »), magnifiée par Gustav Leonhardt en 1987 (« Vêpres de saint Jean Baptiste »), Andrew Parrott en 1988 (« Messe d'action de grâces », 1631) et qu'ont ensuite illustré, avec plus ou moins de bonheurs, Howard Arman (« Vêpres pour l’Ascension », 1993), Françoise Lasserre (« Vêpres pour La Salute », 1996), Erik Van Nevel («Vêpres pour la Nativité », 2003) ou encore Roberto Gini (« Vêpres pour un confesseur », 2005).

Ayant déjà signé voici vingt ans une magnifique anthologie de musica sacra, Alessandrini prend aujourd'hui comme prétexte la fête de saint Marc, protecteur de Venise, pour illustrer cette somptueuse époque où Monteverdi dirigeait (1613‑1643) la chapelle ducale de San Marco ‑ c'est pourtant dans la basilique Santa Barbara du palais de Mantoue que l'album a été enregistré. La cérémonie, étrangement, s'ouvre sur le Deus in adjutoriurn du Vespro de 1610, dont la fanfare déploie les armoiries sonores de la famille Gonzague.

L'interprétation est entachée par de plus gênantes ambiguïtés. Alessandrini a voulu souligner ‑ avec brio et une réelle jubilation sonore ‑ la splendeur d'ordinaire associée aux cérémonies de San Marco. Si cette rutilance est bienvenue dans le Deus in adjutorium, plus extatique que jamais (avec de magnifiques diminutions des cornets), elle apparaît exagérée, voire déplacée, dans d'autres pièces. Ainsi, la lourde scansion des temps forts du Beatus vir, affligé d'une basse envahissante, voudrait rappeler l'origine chorégraphique de l'oeuvre, au détriment de sa sensualité mélodique.

De même, le Cantate Domino gagne plus de fièvre que de ferveur : le tempo agité et les doublures de cuivres tonitruants semblent dénier toute intériorité et toute profondeur mystique au célèbre motet. Un même contresens stylistique prévaut à la métamorphose du délicat et poétique Deus tuorurn militum: son texte original a été parodié en Athleta Christi belliger, et sa lecture devient impérative et péremptoire, quand le chant invite à l'imploration et la tendresse. De même, la recherche d'un ton uniformément majestueux met parfois en danger les huit chanteurs (double‑choeur de solistes), comme en témoigne la vocalisation gauche des ténors dans Laudate Pueri.

Dans une longue interview accordée à Gaëtan Naulleau (cf. no 625), Alessandrini expliquait son travail, et notamment la quête d'une emphase impressionnante : nous entendons ses arguments sans parvenir a apprécier leur réalisation. Peut‑être faudrait-il, pour impressionner vraiment, des sopranos plus fermes et substantielles que ces deux madrigalistes, plus d'une fois à la peine... mais d'une grâce insigne dans le Gloria Patri du Dixit Dominus, l'un des sommets du disque. Alessandrini, maître orfèvre du madrigal montéverdien, a pris le parti d'aborder sa musique sacrée sous un angle tout autre. Il en impose souvent, sans convaincre toujours.

 

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