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Diapason # 627 (09/2014)
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Soli Deo Gratia
 SDG720




Code-barres / Barcode : 0843183072026

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Appréciation d'ensemble:

Analyste: Gaëtan Naulleau

La crise aurait-­elle du bon ? John Eliot Gardiner, qui n'a quasiment rien gravé du répertoire a cappella pendant les décennies fastes sous contrat Erato, Archiv et Philips, voit aujourd'hui les projets sans orchestre d'un autre oeil. Son retour aux motets de Bach (2010) fascinait autant par la subtilité de la vision que par la palette invraisemblable du choeur. Les deux vont de pair: c'est parce qu'il a toujours lu dans les polyphonies anciennes un propos si riche qu'il a perfectionné sans cesse un outil choral hypermalléable ; et c'est parce qu'il dispose de cette multitude de ressorts expressifs qu'il peut fouiller encore les textes, au risque de frôler le maniérisme.

La question ne se posait guère chez Bach, mais elle revient plus d'une fois à l'écoute d'une anthologie de la Renaissance anglaise ‑ programme sans précédent dans la discographie de l'ensemble fondé en 1964 ! Treize plages brassent les pièces les plus simples et les plus élaborées, sur trois générations. Tallis, Byrd, Tomkins : même combat aux yeux de Gardiner, le mot. Sa Renaissance, aussi diverse soit‑elle, converge vers le Vespro montéverdien, cheval de bataille depuis le premier concert de l'ensemble il y a cinquante ans. L’entame de Vigilate (Byrd), avec ses staccatos murmurés (et franchement désuets), découle du Nisi Dominus; les clameurs étourdissantes en double choeur de Peter Philips, du Laudate Pueri.

Partout le mot impose son rythme ‑ et parfois des contretemps soulignés d'un geste ludique, signature de Gardiner. C'est le fer de lance d'une foi conquérante, qui nous interdit la béatitude indéterminée. Un simple faux­bourdon (une suite d'accords réguliers, plage 2) devient un balancement asymétrique d'accents denses ou légers : le sens ne s'expose pas moins qu'à l'âge baroque. Et de fait, l'art de Tomkins, beaucoup plus proche de la sensibilité baroque, s'accommode superbement de cette manière.

En revanche, la désolation de Jérusalem, sous la plume de Byrd (Civitas sancti tui), est maquillée par un luxe de nuances, de voyelles plus ou moins couvertes, un pianissimo soyeux inouï sur « Sion deserta ». Laudibus in sanctis (Byrd) agace vite par l'accumulation des sauts dynamiques, des crescendos fulgurants mais esquivés juste avant la cadence, des decrescendos sur une tenue, des attaques tranchantes ou éthérées, des mètres irréguliers, des phrasés opposés d'une ligne à l'autre... Autant d'effets modelés sur la variété de l'écriture, mais dont la densité. Brillante risque de finalement lui faire écran. Gardiner est un chef de génie, c'est certain. Mais dans ce répertoire, on aimerait quelquefois l'oublier.

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