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Diapason # 660 (09/2017)
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Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Gaëtan Naulleau
 

Nous n'avons toujours pas compris pourquoi Krzysztof Warlikowski acceptait, à Aix, de monter une « pure oeuvre dogmatique au même titre que des créations de l'époque stalinienne », au « message insuppor-table ». Mais aux dernières nouvelles, il a bien touché le chèque du festival pour l'oratorio saturé d'inventions musicales du jeune Handel.

Inutile de lui faire le procès d'un hors­sujet, exercice qu'il revendique et dans lequel il coule ses obsessions (drogue, déchéance, fantômes) et ses visions habituelles. Lavabo blanc ? Bien entendu. Et la Beauté, que le livret écartèle lentement entre le Plaisir immédiat et le Temps secondé par la Désillusion, devient l'alter ego blond de la Médée (Cherubini) fantasmée par Warlikowski, à Bruxelles, en Amy Winehouse: la pauvre Amy telle que nous la montrent les tabloids des derniers mois, I'oeil lourd de rimmel gras. Tout le spectacle repose sur elle, soit une Sabine Devieilhe au‑delà de tout éloge, dont la silhouette à la fois égarée et têtue ne s'oublie pas de sitôt. Et la voix! Si malléable, si habile à décocher les contre‑notes frivoles, et pourtant capable de saisir toute la palette de l'amertume.

Car elle vient de perdre son bel ami, joli clubber bouclé, victime d'une overdose en soirée (film projeté pendant l'Ouverture). Nous assistons, en guise de joute morale, à la « rehab » de la jeune fille sous l'oeil du patron de la clinique (le Temps), de son assistante (Désillusion) et d’un dealer à l'affût. D'où un sérieux souci dramaturgique : nous observons d'emblée un petit coq pernicieux et cocasse, tandis que le livret fleuri de 1707 éclaire progressivement la fausseté du Plaisir. Or l'oeuvre est longue, et le spectacle, en provoquant partout l'émotion, au détriment des ambiguïtés allégoriques, se condamne à tourner en rond. Chaque apparition de Bellezza, anéantie par les médicaments; happée par un revenant ou cédant au Temps avec méfiance («Se non seipiu ministro » extraordinaire) nous laisse la gorge nouée, mais le nombre et la longueur des airs confiés aux trois autres s'avèrent terriblement disproportionnés dans l'histoire que Warlikowski nous raconte.
 

Distribution parfaite si l'on adhère aux personnages. Franco Fagioli excelle en Piacere arrogant et agité, mais frôle souvent le ridicule et s'avère incapable d'épurer la ligne dans « Lascia, la spina ». Il n'avait qu'à écouter Sara Mingardo pour prendre une leçon de concentration dans le mot, de diversité d'affect dans un phrasé impérial. Michael Spyres se tire sans grande délicatesse de  la tessiture en grand écart voulue par Handel, mais le rôle, où se cristallise la défiance du metteur en scène polonais envers les idéologies totalitaires, appelle sans doute cela. Dans la fosse, Emmanuelle Haïm nous impressionne par son aisance et par la respiration profonde qui porte un orchestre nettement plus coloré et riche de textures qu'en 2006 au disque. 

N'hésitez pas à couper l'image... Mais sachez aussi que le décalage entre les paroles et le propos théâtral génère quelques scènes fantastiques, notamment celles où l'emprise manipulatrice du Temps sur Bellezza nous glace.

Curieux ensemble. On y croit par moments, on enrage quand la musique si tempétueuse du quatuor donne lieu à un tableau inerte (crise de nerfs à table), on verse sa larme quand la petite se taillade les veines pendant l'air ultime ‑ où le compositeur, cet idiot, s'est permis de greffer une de ses pages les plus extatiques et solaires sur la démonstration nihiliste de monsieur Warlikowski.


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