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Diapason # 641 (12/2015)
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Naïve
V5361




Code-barres / Barcode : 0822186053614

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Philippe Ramin

Musique baroque et improvisation : tout le monde en parle,» mais qui improvise vraiment, si par ce verbe nous évoquons une pratique plus fertile et vivante qu'un agréable édredon de clichés alignés en patchwork? La proposition de Rolf Lislevand a d'autant plus de valeur que le guitariste renonce aux facilités décoratives (et terriblement prisonnières de la barre de mesure) à la mode. Les ostinatos se taillent la part du lion dans le programme; la ressemblance avec l’Arpeggiata s'arrête là.

 

Improviser ? Est‑ce retravailler les contours mélodiques à la manière italienne (diminution) ? croiser les codes de musiques d'époques et d'origine culturelle différentes (cross‑over) ? s'échapper du cadre ? Lislevand choisit la troisième voix et convoque trois aînés guitaristes du XVIle siècle. Tous ont développé la technique de l'Alfabeta qui permet une notation nouvelle des accords: Corbetta a oeuvré à la cour de France et d’Angleterre, le florentin Carbonchi a la cour de Toscane, et Pellegrini reste bien mystérieux. Deux guitares (baroques) dialoguent la plupart du temps, quelquefois trois, et l'âpre colasciane s'invite deux fois à la basse.

 

La Scaramanzia illustre parfaitement l'enjeu musical du projet. Lislevand, Johnsen et Larsen organisent un espace où tout se construit et se déconstruit; la cellule de base, aussitôt présentée, est reprise sur un autre mode, dédoublée en canon, troublée par le glissement de ses appuis ou l'exploration des résonances. Ces outils favorisent l'émergence d'une véritable chorégraphie en apesanteur, riche de suggestions à peine esquissées. Curieusement, la démarche est un peu moins convaincante dans les deux pièces libres: les Canarios anonymes paient un évident tribut à Kapsberger, et la Tarentella, qui procède par différents types de présentation stylistiques (voyage de l’Andalousie vers l'Italie traditionnelle avec une courte halte de jazz fusion) est la plage la moins personnelle de l'album, Mais avec quelles finesses virtuoses et quelle séduction, chitarra battente et guitares toutes griffes dehors.

 

Corbetta glisse des tournures étranges dans des danses traditionnelles, Pellegrini balise un vaste labyrinthe harmonique dans ses Passa­cagli per tutte le lettere: la souplesse agogique des musiciens est alors à son comble. La rugosité sonore de plusieurs agrégats d'accords, super­posés comme par mégarde au fil de la Passacaille, menace le cadre régu­lier tandis que la danse rebondit inexorablement; la puissance expressive qui naît de ce conflit vaut à elle seule le détour.

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