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Diapason # 663 (12/2017)
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FLORA
FLO4016
Fra Bernardo
FB1703213

Code-barres / Barcode : 4260307432133

 

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Analyste:  Philippe Ramin

La musique de Froberger est souvent qualifiée de « romantique » en ce qu'elle installe l'interprète et l'auditeur dans une introspection que nous associons plus volontiers à l'époque de Chopin. C'est sur sa « mort future » ou pour décrire les dangers d'une traversée du Rhin que le compositeur déploie ses dissonances audacieuses, ses plus beaux retards sous le vernis de l'artisan, les questionnements du chrétien sont sensibles. Ce romantisme a touché les clavecinistes du XXe siècle dès qu'ils purent jouer des instruments historiques, les seuls à même de traduire l'univers sonore si particulier des compositeurs du XVIIe siècle. C'était, en 1962, le coup de génie de Leonhardt sur un Rückers surgit du fond des temps... Mais n'oublions pas que l'année précédente, pour contourner une facture moderne de clavecin inadéquate, le pionnier Thurston Dart gravait pour L’Oiseau‑Lyre un album Froberger entier, mais au clavicorde (une rareté, exhumée sur iTunes).

C'est encore un clavicorde que choisit Johannes Maria Bogner, dans un programme proche de Leonhardt 1962 (tiens, la Toccata Il de 1649 en ouverture ... ). La voix de cet instrument laisse supposer un degré supérieur dans l'art de la confidence, d'autant que le grand modèle qu'elle a élu, d'après Cristofori, ne manque pas de ressources dynamiques. On s'ennuie dans le Tombeau sur la mort de Monsieur Blancheroche où Bogner roule pourtant des yeux terribles et fait défiler quelques attractions explosives de son train fantôme. Un toucher particulièrement ferme étouffe davantage le clavicorde qu'il n'en développe la palette de couleurs. 

Julien Wolfs ouvre son récital par la même Toccata Il. La suite fait la part belle aux pages les plus remarquables du compositeur, notamment des pièces programmatiques de large envergure comme l'Allemande faite en passant le Rhin dans une barque en grand péril ou la Lamentation faite sur la très douloreuse [sic] mort de Sa Majesté Impériale Ferdinand le Troisième et ses trois fa conclusifs et... fatidiques. L’instrument est une copie de Rückers réalisée par le père du claveciniste.

La jeune génération délaissant volontiers le chemin tracé par les aînés, on se réjouit de constater que Julien Wolfs renoue sensiblement avec la tradition du Nord (Van Asperen, Leonhardt) et n'a rien à partager avec l'embourgeoisement à l'ordre du jour.

Deux prix au Concours de Bruges (seul et avec son ensemble Les Timbres) ont distingué ce caractère singulier. Son projet artistique est aussi abouti sur le plan technique que celui de l'analyse ‑ car jouer Froberger, c'est avant tout comprendre les différentes strates d'une écriture a priori limpide. La rhétorique du détail y est bien présente (de nombreuses ambiguïtés rythmiques et d'altération sont d'ailleurs sensiblement éclaircies), la construction est nette mais sans pesanteur démonstrative (lamento, méditation et tombeau).

Aussi à l'aise sur les cimes éthérées du Ricercar V que dans la matière ductile des sarabandes, le claveciniste entre avec aplomb dans la cour des grands avec ce premier album en solo ‑ rappelons que les Pièces en concert de Rameau lui valaient, en trio avec ses Timbres, un Diapason d'or.                                 


 

   

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