Texte paru dans: / Appeared in:
*

Diapason # 630 (12/2014)
Pour s'abonner / Subscription information


Naïve
V5390




Code-barres / Barcode : 0822186053904

Consultez toutes les évaluations recensées pour ce cd ~~~~ Reach all the evaluations located for this CD

Appréciation d'ensemble:

Outil de traduction ~ Approximatif ~ Translator tool
 

Analyste: Gaëtan Naulleau

Quatuor de tragédiennes et miroir. Après Arianna trahie, Marie Stuart refuse de se laisser bander les yeux pour toiser son bourreau (Carissimi). Le narrateur de Lagrime mie (Barbara Strozzi) ne pleure pas, c'est tout son malheur: il implore longuement ses larmes de le soulager (car sa bien aimée gît en prison). La Reine de Suède apprend la mort de son époux au combat et réclame qu'on la tue à son tour dans un monologue à rallonges (Luigi Rossi). Puis une cantate raille le genre et moque les tunnels du lamento précédent ‑ un défilé d'importuns ajourne les soupirs de la reine entêtée !

On est heureux de trouver enfin en tête d'affiche l'une des voix les plus colorées de la scène baroque ‑ grandiose Cornelia dans le Giulio Cesare de Curtis, régulièrement applaudie dans les Vivaldi de Naïve. Un timbre dense et noir, une déclamation nette, une autorité jamais austère font de Romina Basso la dauphine de Sara Mingardo, plus expressionniste parfois, plus spontanée.

Son caractère est mis à nu dans un disque saisissant mais indigeste. Eviter la monotonie dans un programme entier de lamenti n'est pas impossible, .... Mais en enchaîner cinq (parmi les plus connus) sous une lumière si crue et des accents toujours viscéraux, c’est risquer à la fois d'égaliser les caractères de ces musiques et d'assommer l'auditeur.

Markellos Chryssicos, claveciniste de Latinitas nostra et bras droit de l'excellent George Petrou dans ses projets lyriques, assure avoir « enregistré dans un état de tension insoutenable, en nous efforçant de pousser jusqu'aux limites tout facteur de trouble et tout effet. » On n'en demandait pas tant. Le jeu aurait tourné au grand guignol avec une autre musicienne. Basso, agitée à chaque note de passions contradictoires et véhémentes, d'accès soudains de tristesse dévastée et de spasmes vengeurs, affiche pourtant une concentration ‑ une tenue, une projection ‑ royale. Le petit groupe de continuo la chauffe à blanc avec des bizarreries harmoniques et des paroxysmes bruitistes. Quel raffut avec seulement une viole, un clavecin et une guitare, quelle claque en un seul accord au début de la scène de Marie Stuart... quand l'oreille se remet tout juste des treize minutes exacerbées d’Arianna. Cette reine‑là hurle à son bourreau, quand Antonacci le fixait avec mépris (Naxos) et Montserrat Figueras avec stupeur (Naïve). L’ironie peine à s'immiscer dans la cantate de Provenzale, certes délicate à défendre mais nettement plus drôle quand Anne Sofie von Otter s'en délectait (Naïve).

Cet album expérimental et courageux, tout au premier degré, oublie que le lamento était un genre en soi : ç'est par la nuance, le demi‑sens, la volupté des larmes, que les maîtres du seicento ont habité les lieux communs de la douleur.

Fermer la fenêtre/Close window

 

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews