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Diapason # 604 (07-08/2012)
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Soli Deo Gratia
SDG716



Code-barres / Barcode: 0843183071623 (ID226)

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Appréciation d'ensemble:
Analyste: Gaëtan Naulleau

En couverture, un équilibriste, sans filet, annonce le retour du Monteverdi Choir, sans orchestre, à l’un des chevaux de bataille qu’il enregistrait déjà en 1980. Trop tôt. Le relief net des contrastes, l’impact des accents, la construction du labyrinthique Jesu meine Freude, l’autorité magistralement soudée des voix frappaient les esprits mais le vibrato des sopranos et l’ardeur héroïque des hommes allaient bientôt sembler d’un autre âge. Trente ans (et deux cents cantates) après, ces messieurs ont gagné une étoffe moelleuse, et ces dames ont fait place à des demoiselles divines — douceurs évanescentes dans Ich lasse dich nicht, forte clairs comme l’eau de roche dans Lobet den Henn. Les puristes bouderont, puisque tout laisse penser que les doublures instrumentales étaient monnaie courante dans ce répertoire à Saint-Thomas. Mais qu’apporteraient-elles à ce niveau de réalisation chorale? Davantage de couleurs? Impossible. Des articulations plus fermes ? Les voix les varient à l’infini, et un continuo sonore (violoncelle, basson, contrebasse et orgue) leur pose le socle nécessaire. Des doublures risqueraient, en revanche, de brider l’incroyable souplesse de la polyphonie. Dans un texte de présentation très fouillé, le chef cite Clément d’Alexandrie (150-216) invitant le fidèle à « danser une ronde avec les anges autour de Celui qui est sans commencement ni fin »: l’enivrant rebond de Der Geist hilft unser Schwachheit auf ne dit pas autre chose. La fugue centrale de Jesu meine Freude avance à pas de loup, dans une ambiance éthérée : pourtant la danse domine toujours et porte haut les mots légers (« car vous n’êtes pas de chair mais d’esprit », en opposant délicatement « Fleischhich » et « Geistlich »). On attend un coup d’éclat de la troisième partie de Singet den Herm: il tient moins au tempo record (3’ 09”) qu’à la parfaite conduite du discours, qui ne précipite surtout pas les crescendos. Un architecte hors pair est à l’oeuvre. Il creusera et pèsera chaque mot pour donner au monumental Jesu meine Freude toute sa portée spirituelle, sa violence et sa nostalgie, sa foi vécue non comme un refuge mais comme un complexe et puissant mouvement de l’âme.

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