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Opéra Magazine # 90 (12/2013)
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Harmonia Mundi
HMC902172



Code-barres / Barcode : 3149020217221 (ID379)

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Appréciation d'ensemble:
Analyste:  Richard Martet


 

COUP DE COEUR


On sait, depuis plusieurs années, l’extraordinaire complicité qui unit René Jacobs et Bejun Mehta. Le nouvel enregistrement né de leur collaboration va encore plus loin que les précédents, atteignant des sommets de beauté et d’émotion.

Il y a des disques qui bouleversent. Celui-ci en est un. Dans un monde qui raffole des produits lisses et formatés, Bejun Mehta et René Jacobs jettent un pavé dans la mare et prennent tous les risques, quitte à hérisser le poil de certains.

Impossible de séparer les deux artistes dans l’appréciation de ce récital, consacré à ces compositeurs qui, dans les années 1760- 1770, modifièrent l’esthétique de l’«opera seria », en ouvrant la voie au XIXe siècle. Chanteur et chef sont ici à l’unisson, l’Akademie für Alte Musik Berlin, dans une forme éblouissante, accompagnant chacune des inflexions de la voix dans un véritable dialogue, comme nous en avons rarement connus au disque. La voix, justement. Elle sonne certes un peu écrêtée, et même aigre parfois, dans l’extrême aigu, comme si le timbre avait perdu un rien de sa substance. Mais le contre-ténor américain sait en jouer pour obtenir des effets dramatiques inattendus, avec une attention aux mots, au sens du texte, aux nuances qui, une fois encore, laisse pantois. Bejun Mehta est un artiste, un vrai, un poète aussi, ce dont cette musique a impérativement besoin. Avec une virtuosité intacte, il rend admirablement justice aux airs de bravoure d’un programme qui, une fois n’est pas coutume, en contient peu. C’est l’émotion qui prime ici, celle d’un legato impeccablement conduit, de récitatifs déclamés avec une variété et une intensité saisissantes dans le phrasé, de plaintes et de fureurs ne basculant jamais dans le dolorisme ni l’excès, malgré une prise de risque, répétons-le, permanente.

Les airs choisis, en plus, sont tous magnifiques, voire sublimes pour certains. On connaît bien «Che puro ciel !» d’Orfeo et «Già ciagli occhi il velo è tolto » de Farnace dans Mitridate (peut-être le plus beau rôle de Bejun Mehta à ce jour dans lequel il nous avait transportés dès ses débuts au Châtelet en 2000). Beaucoup moins l’émouvant «Cara, lontano ancora», extrait d’Ascanio in Alba de Mozart, l’envoûtant «Dei di Roma, ah perdonate !», tiré d’Il trionfo di Clelia de Hasse  quand se decidera-t-on à redonner au musicien allemand la place qu’il mérite au panthéon des compositeurs du XVIIIe siècle ?), et la saisissante scène d’Oreste dans l’Ifigenia in Tauride de Traetta, à laquelle le RIAS Kammerchor apporte une contribution fulgurante.

Nous n’en dirons pas plus. Écoutez!

 

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