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Classica # 164 (07-08/2014)
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 ARC4792199




Code-barres / Barcode : 0028947921998 (ID423)

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Appréciation d'ensemble / Overall evaluation :
Analyste: Philippe Venturini
 

DES TEMPOS TRÈS CONTRASTÉS ET QUELQUES EFFETS SPÉCIAUX SONORES:

CE QUE L’» AUTHENTICITÉ » PERD LE THEATRE LE GAGNE AU CENTUPLE.



Dès la deuxième scène du premier acte, l'enjeu est clair: le magicien Zoroastro enjoint à Orlando de préférer la guerre à l'amour. Mais l'indécision du paladin, sa soumission à ses « sentiments efféminés » puis sa jalousie, vont le mener à la catastrophe. En découvrant le nom d'Angelica, qu'il aime, gravé sur des arbres à côté de celui de Medoro, il sombre dans la folie. Peu d'opéras de Haendel bénéficient d'un livret aussi efficace et concentré. Celui d'Orlando ne convoque que cinq personnages et focalise l’attention sur trois: Orlando, Angelica et Dorinda. Aussi l'auditeur peu familier des conventions de l'opera seria ne risque‑t‑il pas de s'égarer dans les arcanes d'intrigues secondaires ou dans l'agitation d'amours contrariées même si la bergère Dorinda s'éprend du prince Medoro. À cette densité narrative s'ajoutent une définition très subtile de chaque caractère et, surtout, un ton singulier, ambigu, sans cesse ballotté entre le sérieux et l'ironie, propre à certains opéras de maturité de Haendel: on pense naturellement à Serse (1738), postérieur de cinq ans, qui jette un regard amusé, voire satirique sur le rôle‑titre et, comme Orlando, s'échappe de la prison du Da Capo systématique. La fluidité formelle d'Orlando, la rapidité avec laquelle se succèdent les épisodes, l'intensité irrésistible de la scène de la folie (fin de l'acte II) et la verve mélodique des grands jours avec lesquelles Haendel traite son sujet participent au succès de cet opéra, sans conteste un de ses quatre ou cinq chefs‑d'oeuvre. Échauffée par une série de représentations scéniques au théâtre de La Monnaie à Bruxelles l'année précédente, cette version de concert captée à Bruges se passe sans peine de l'image. Metteur en sons très inspiré, René Jacobs rappelle une fois de plus qu'il reste aujourd'hui un des interprètes les plus convaincants et les plus convaincus de ce répertoire. Il faut certes accepter son goût pour les interventions (flûtes ajoutées entre autres dans l'ouverture, percussions et orgue dans la scène de la folie, récitatifs musclés à coups de glissandos et sul ponticello), les tempos très contrastés et quelques effets spéciaux sonores: mais ce que l'« authenticité » perd le théâtre le gagne au centuple. Aussi dès l'ouverture, empoigné à deux mains et entraîné par un orchestre survitaminé, l'auditeur est‑il emporté pour deux heures et vingt minutes de (très) grand spectacle. La distribution se montre vaillamment à la hauteur du défi permanent auquel la soumet René Jacobs. Bejun Mehta, qui endosse ce rôle depuis une dizaine d'années, paraît sans rival et laisse paraître les failles de ce double profil de Janus, tantôt guerrier, tantôt amant éploré. Sophie Karthäuser incarne une Angelica aussi lumineuse qu'émouvante (« Verdi piante » à pleurer) et Kristina Hammarström assure la constance sentimentale de Medoro. Konstantin Wolff rend justice à Zoroastro, un des plus beaux rôles de basse haendelien, tandis que Sunhae Im possède le charme arcadien de Dorinda. Une telle réussite fait oublier les versions de Christopher Hogwood (L'Oiseau‑Lyre) et William Christie (Erato). C'est désormais auprès de René Jacobs qu'il faudra connaître les vertiges d'Orlando.

 

 

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